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21 avril 2020

La joie nous arrachera au nihilisme

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Le confinement a du bon aussi. Par exemple, dimanche dernier, LCP (la chaîne parlementaire) diffusait, en début d’après-midi, un documentaire remarquable « Vers un monde altruiste ». Ce documentaire traitait des recherches sur l’empathie, sur ses très récentes découvertes, notamment par rapport aux bébés (6 mois) : les découvertes sont effarantes. En effet, nous savons aujourd’hui que les bébés sont empathiques de façon innée (tout comme le montre le reportage certains animaux). L’intervention de Matthieu Ricard apporte encore plus d’intérêt à ce documentaire, réellement passionnant et inspirant. Le monde sera-t-il altruiste ? Assurément ! D’ailleurs, Albert Camus (dans la Peste) n’a-t-il pas dit « ...si l’épidémie s’étend, la morale s’étendra aussi ».

Mes amis du Monde Diplo me font parvenir les documents suivants, documents que je m’empresse de partager avec vous :

" En janvier 2019, Laurent Alexandre, fondateur de Doctissimo, exposait ses thèses transhumanistes à l'école polytechnique devant les futurs "dieux" et "premier de cordée" qui demain sont sensés nous gouverner (7' d'extraits choisis sur lien1).

Dix ans plus tôt, en 2008, Fred Vargas avait écrit un texte intitulé "Maintenant ou Jamais" qui a été mis en image et lu par Charlotte Gainsbourg (4' sur lien2).

Mais comme rien n'a changé depuis, bien au contraire, Aurélien Barrau nous rappelle que la situation environnementale est pire que jamais et que nous continuons à détruire la vie sur terre (5' sur lien3).

Pour changer cela, reste à savoir qui prendra vraiment le pouvoir demain et en attendant vous pouvez signer l'appel pour le jour d'après mis en ligne par un collectif d'organisations syndicales et associatives "Plus jamais ça !"

Ces exemples prouvent, une fois de plus, que la maturité des comportements individuels procède non seulement du savoir mais aussi de l’empathie dont je vous entretenais précédemment. Et que ce n’est qu’en transmettant de la joie que l’on peut s’arracher du nihilisme (pour saluer Nietzsche en passant).

Et pour conclure cet édito du jour, je vous propose de profiter de votre « confinage » pour retrouver l’enfant que vous étiez, afin de réapprendre aux enfants d’aujourd’hui à le redevenir. Comme le rappelait Anne Dufourmantelle (une philosophe que j’admirais), « l’enfance est en voie de disparition. On voudrait des enfants raisonnables et purs. Cela donne des adultes immatures et désolés ». Je vous offre un texte qu’elle écrivit 2016 en et qui s’intitule justement L’art de l’enfance.

A lire La puissance de la douceur d’Anne Dufourmantelle

Crédit photo : ressources-plurielles.com

Le Manifeste de l’altruisme de Philippe Kourilsky (professeur au Collège de France)

 

L’art de l’enfance, par Anne Dufourmantelle

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 Nous nous trompons de guerre. La cause de l’enfant devrait être la nôtre. Son impure perfection est noble, c’est celle de la liberté.

Le mois de juillet évoque, pour la plupart d’entre nous, le départ en vacances. Dans l’idéal, ces congés sont le lieu par excellence de la liberté liée à l’enfance, celle de découvrir, celle de devenir. Elles nous ont semblé durer à l’infini, comme un temps hors du temps, où l’ennui et l’euphorie étaient possibles. Ce temps des «grandes» vacances, comme celui de l’enfance, tend à se raccourcir drastiquement. Peau de chagrin. C’est que ce temps libre, édifiant, est désormais «indexé» sur la vie professionnelle des parents. Des adultes qui n’ont plus eux-mêmes de temps pour l’enfance, ni la leur ni celle de leur progéniture. Car l’enfance n’est pas rentable. D’un point de vue commercial, et donc désormais à tous points de vue, on lui préfère l’adolescence. Invention du rêve américain qui n’a cessé de s’étendre dans les mentalités et les mœurs au point de commencer aujourd’hui dès la prime jeunesse pour s’étendre jusqu’à la vieillesse. Le monde publicitaire témoigne de cet empire, le conditionnant pour l’essentiel. Avec ce qui le caractérise : narcissisme, passage à l’acte, uniformisation des âges et des sexes sous le prédicat de la mode, inséparabilité, envie synchrone de transgression et de régression, peurs incontrôlables, irresponsabilité, désir revendiqué d’indépendance, mais de cocon en réalité.

Quand elle n’est pas méprisée, l’enfance est une expérience d’intensité et d’innocence. Ce qui ne signifie pas qu’elle serait sans désirs, ni manipulations ou mensonges.

Aujourd’hui, on voudrait des enfants raisonnables et purs. Cela donne des adultes immatures et désolés. Un adulte en relation avec son enfance est un être sensible, ouvert, conséquent, peu sujet à la dépression générale.

L’enfance est en voie de disparition. Nous nous en rappelons pour mieux l’enfouir dans un passé révolu. Prendre le risque de l’enfance, c’est d’abord ne jamais oublier que l’on a été enfant. Or nous tournons le dos à notre enfance, nous nous en rappelons pour mieux l’enfouir dans un passé révolu. L’enfance au présent n’a rien à voir avec celle du ressouvenir, qu’on a bercé en soi, dont on a redessiné le contour, trafiqué l’atmosphère, réécrit la chronologie. Celle-là est réinventée selon les besoins de notre accommodation au monde des grandes personnes sensées. L’enfance constamment vivante, c’est autre chose. Une expérience de l’indemne, de l’intact, de l’émerveillement, de la déception, aussi. Une charge d’esprit qui procure de la joie et permet la créativité au quotidien. Cette enfance-là est classée «secret défense» car elle contrevient à la société de l’obscène, du cynisme, de la dérision. Il n’y a pas d’accès «autorisé». Pour entrer en contact avec elle, qui veille pourtant en chacun, il faut opérer une sorte de casse. S’y glisser en voleur de feu, rouvrir les sources. Re-ignite it, dit-on en anglais. Qu’est-ce qui fait la dangerosité de l’enfance ? Sa folie douce. Oui, le désordre, l’incohérence, le délire, le désir, mais aussi la perception immédiate du fiable et de l’équivoque, la capacité d’habiter l’instant, le pouvoir de recréation - de récréation - du langage. Le monde parle à l’enfance et elle parle au monde - et même aux fantômes.

Nous nous trompons de guerre. La cause de l’enfance devrait être la nôtre. Son impure perfection est noble, c’est celle de la liberté, pas «contrôlée» mais protégée. Ses blessures mêmes nous rendent nostalgiques. Là se sont inventés nos premières peurs, nos premiers chemins en forêts sombres, et les promesses, pas toujours tenues

Il y a des artistes qui savent dire comme personne ce royaume de tumultes et de chuchotements. Et toute la solitude qui a son opéra en elle. En lisant A côté, jamais avec de Jean-Marc Parisis (J.C Lattès), j’ai pensé à Mes petites amoureuses d’Eustache, à Ma sauvage Amérique de Prokosch, et puis j’ai pensé que j’avais entre les mains un très beau livre intraitable et fiévreux sur cet âge de l’éternité que peut être l’enfance, quand les adultes ne la profanent pas.

Les passions inédites, le diamant des sensations, l’énigme parentale, la Seconde guerre mondiale encore présente dans les familles françaises des années 70, les caractères des copains qui craquent leur gangue de possibles, tout y est intrépide, fantasque et grave. La science des souvenirs y est telle que l’auteur en fait une sagesse. A un moment, il est écrit l’une des vérités que l’on peut retirer de l’enfance si on lui est fidèle : «L’effroi de la mort m’a donné la passion de la vie.»

Quand de nos jours, et pas qu’en littérature, l’inverse est à l’œuvre et que l’effroi de la vie donne la passion de la mort. Alors l’enfance en soi, comme un remède.

Anne Dufourmantelle 08 juillet 2016

Illustration : paulmaloney.ie

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