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24 octobre 2019

Ce que demande la non-demande. Autour du non-recours aux aides sociales

warin Le non-recours aux aides sociales peut prendre plusieurs formes et s’expliquer diversement ; mais il traduit fondamentalement, selon Philippe Warin, une attente de justification adressée aux pouvoirs publics.

Depuis plusieurs années, de nombreux constats attestent qu’un nombre important de personnes renoncent à faire valoir leurs droits en matière d’aides sociales. Le phénomène de non-recours n’est certainement pas nouveau, mais comme il fait de plus en plus l’objet de mesures, son ampleur apparaît et le besoin de réponses grandit. Avec des taux de non-recours variant entre 40 et 60 % dans les pays de l’Union européenne, des solutions techniques se mettent en place pour faciliter l’accès des aides sociales et services publics. Le discours politique s’est cependant concentré sur deux formes de non-recours, la non-connaissance (l’aide n’est pas connue) et la non-réception (elle est connue, demandée, mais pas obtenue ou utilisée), mettant de côté la non-proposition (l’aide n’est pas activée malgré l’éligibilité du demandeur, que celui-ci connaisse ou pas l’aide en question), mais aussi la non-demande (l’aide est connue mais pas demandée, ou bien un droit ouvert mais la prestation non utilisée), ainsi que la non-orientation (les destinataires potentiels ne sont pas sollicités ou accompagnés pour activer un droit). L’action sur le non-recours est alors pensée pour rendre plus performantes les modalités d’information des publics, d’accompagnement de ceux-ci vers leurs droits, de parcours intentionnés, de pré-accueils inconditionnels, etc.

Ces solutions ont bien entendu leur utilité. Pour autant, le non-recours ne peut pas être réduit à un seul problème d’accessibilité. Lorsque les personnes ne demandent pas, la question n’est pas simplement celle de l’accessibilité mais aussi celle de la pertinence de l’offre publique. C’est le cas en particulier avec la « non-demande intentionnelle », quand par désintérêt des personnes s’abstiennent volontairement de recourir malgré l’utilité des aides – financières ou non financières – auxquelles elles sont pourtant éligibles.

Il est important de s’arrêter sur cette forme particulière de non-recours qui, plus que les autres, met en question la légitimité des politiques. Elle est loin d’être résiduelle. Et pourtant elle est assez largement ignorée parce qu’elle dérange le mode de production des politiques fondé sur la définition des besoins sociaux par les acteurs institutionnels. Avec cette forme de non-recours en effet, c’est davantage le contenu de l’offre que sa mise en œuvre qu’il faut traiter. Dès lors les réponses ne peuvent plus être de même nature. La prise en compte de ce non-recours demande d’entendre et de prendre en compte les attentes des destinataires pour atteindre au mieux les effets recherchés. En particulier, la non-demande intentionnelle relève de conflits de normes, dont la résolution appelle les organisations à être en mesure de justifier les principes et les modalités de leur offre. La reconnaissance d’un droit à la justification constitue alors l’enjeu principal de toute politique sociale ou de tout plan anti-pauvreté qui se donnerait pour objectif de lutter aussi contre cette forme de non-recours qui exprime plus nettement que les autres un manque d’adhésion des citoyens dans les politiques sociales, non pas en elles-mêmes mais telles qu’elles sont faites. 

Voir l'analyse de Philippe Warin, directeur de recherche au CNRS (Laboratoire des Sciences Sociales / Université Grenoble Alpes) et co-fondateur de l’Observatoire des non-recours aux droits et services (ODENORE)

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