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25 juin 2019

Le mouvement des "gilets jaunes" a-t-il existé ? par Frédéric Says, chroniqueur à France Culture

drap Le mouvement des "gilets jaunes" a-t-il vraiment existé ? A observer l'actualité de ces jours-ci, on finit par en douter. 

Pas seulement parce que les cortèges du samedi sont désormais épars et clairsemés. 

Mais surtout parce qu'une série de décisions politiques, ces derniers jours, amène à se demander si le gouvernement n'est pas frappé d'amnésie. 

Premier exemple : la loi sur les mobilités, adoptée la semaine passée, qui rend possible la privatisation de certaines routes nationales. 

Dans le détail, c'est un amendement qui autorise les sociétés d'autoroutes à gérer une partie de ces nationales. Et à mener des travaux sur les « infrastructures » ayant pour effet de "faciliter, sécuriser ou fluidifier l'accès à une autoroute ou aux itinéraires qui la prolongent". 

En contrepartie, ces sociétés pourraient augmenter leurs tarifs aux péages. Ce qui revient à rémunérer une entreprise privée pour l'entretien d'une partie des routes nationales. 

Or, qu'ont dit ces derniers mois des centaines de milliers de manifestants sous leurs chasubles jaunes ? 

Ils ont protesté contre le sentiment de racket permanent ; ils ont déploré les entraves payantes à la mobilité ; ils ont dénoncé le recul systématique de l’État et des services publics, « ce patrimoine de ceux qui n'en ont pas », selon l'expression de Jaurès. 

Un deuxième exemple ? La refonte de l'Assurance-chômage, annoncée la semaine dernière par le Premier ministre. 

Cette réforme a réalisé l'exploit de mécontenter à la fois les syndicats de salariés et le patronat. Elle institue notamment de moins bonnes conditions d'indemnisation pour certaines catégories de demandeurs d'emploi. 

Une décision venue d'en haut. « Il y aura un décret pendant l'été », et personne n'y pourra rien, se lamente le dirigeant de la CFDT Laurent Berger, dans le journal Libération

Pourtant, souvenez-vous, pendant le grand débat national, l'exécutif promettait qu'il avait compris la leçon.   Fini, les réformes-couperets imposées depuis Paris. Place aux solutions "co-construites", "depuis le terrain", "par le dialogue". 

« Rien ne sera plus jamais comme avant », assénait même la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye.

Las ; quelques mois après ces belles paroles, on pense fatalement à la phrase du Guépard de Visconti : « Tout changer pour que rien ne change ». 

Tout se passe en réalité comme si la routine de l’État avait repris son allure de croisière. 

Comme si le mouvement des "gilets jaunes" n'avait été qu'un instant de suspension dans ce quinquennat En Marche. 

Comme si la grande colère de l'automne avait été soldée par le grand débat du printemps. Puis effacée par le résultat des élections européennes. 

Comme si, finalement, l'occupation des ronds-points avait été un caprice et non une révolte. 

Car que reste-t-il de ce bouillant automne 2018, de ses gaz et de ses larmes, de ses défilés qui secouent et de ses ministères qui tremblent ? 

Poser la question, c'est y répondre. Dans la pratique quotidienne du pouvoir, qu'a-t-on vu changer ? Au mieux, les 150 citoyens tirés au sort pour débattre des questions écologiques, ce qu'Emmanuel Macron a appelé la "Convention citoyenne". Un organe flou dont on attend de mesurer le pouvoir réel. 

Pour le reste, retour à la case départ. Le grand débat national risque d'apparaître toujours plus comme une manœuvre dilatoire. 

Un gain de temps pour apaiser la rue. 

Face au mal français, du chloroforme plutôt qu'un remède. 

Face aux plaies françaises, le gouvernement a moins cherché à cautériser qu'à temporiser.

Frédéric Says, chroniqueur à France Culture

Illustration : fr.dreamstime.com
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