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26 juin 2019

Les silences de l’Irlande

irl Grâce au succès du film Les Magdalene Sisters, les Magdalene laundries, ces institutions chargées de punir les femmes « déchues » d’Irlande, font désormais partie de la mémoire collective du pays. Malgré des avancées sociales importantes, les victimes attendent encore excuses officielles et réparation.

Si le centenaire du soulèvement de Pâques 1916, rébellion avortée mais néanmoins emblématique de la lutte pour l’indépendance à laquelle l’Irlande allait accéder cinq ans plus tard, fut commémoré en grande pompe en 2016, un autre anniversaire passa, lui, beaucoup plus inaperçu. C’est pourtant le 25 septembre 1996, il n’y a guère plus de vingt ans, que la dernière Magdalene laundry [1] irlandaise a fermé ses portes. Ces institutions, rendues tristement célèbres grâce au succès international du film de Peter Mullan, Les Magdalene Sisters, sorti en 2003, font désormais partie de la mémoire collective de l’Irlande. Mais de quelle mémoire s’agit-il ? Et de quelle Irlande parle-t-on ?

On estime à environ 10 000 le nombre de jeunes filles et de femmes ayant séjourné, d’un mois à des dizaines d’années parfois, dans l’une de ces institutions depuis 1922 [2]. L’origine de ces institutions est cependant très ancienne, puisque les Magdalene laundries existaient depuis le XVIIIe siècle en Irlande, sous d’autres appellations et d’autres formes, et c’est dans l’Italie catholique du XIIIe siècle que l’on trouve les premières traces de ces institutions.

Pourtant, à l’heure où l’Irlande, en quête d’une redéfinition de son identité nationale, semble entrer de plain-pied dans la modernité avec la légalisation du mariage pour tous (2015) et la victoire du « oui » au référendum sur l’abrogation du 8e Amendement de la constitution interdisant l’avortement annoncé (25 mai 2018), il semble pertinent de commémorer cet anniversaire en revenant sur l’histoire de ces institutions conventuelles. Si elles ne furent certes pas, à proprement parler, une « invention » irlandaise, elles restent néanmoins l’un des éléments phares de ce que l’historien James Smith a appelé « Ireland’s architecture of containment » [l’architecture de l’endiguement en Irlande], un système d’invisibilisation des groupes vulnérables de la société, au sein duquel on trouvait également des institutions pour enfants (Industrial Schools) et des maisons maternelles (Mother and Baby Homes), ces dernières ayant défrayé la chronique ces dernières années avec la découverte de centaines de squelettes de bébés sur le site de Tuam.

Comment ce système, qui n’était pas à proprement parler une « invention » irlandaise est-il devenu, après l’indépendance, l’un des piliers de l’ordre moral du nouvel État Libre ? Pourquoi a-t-il fallu attendre les années 1990 pour que le voile du silence soit finalement levé et que le pays ressente l’onde de choc provoquée par les innombrables révélations et scandales ? Et quels sont, à ce jour, les dispositifs mémoriels qui garantissent un rempart contre l’oubli ?

Voir l'analyse de Nathalie Sebbane, Maîtresse de Conférences à l’Université Sorbonne nouvelle – Paris 3. Spécialiste en civilisation irlandaise, ses recherches portent sur l’histoire des femmes en Irlande, les relations entre l’Église et l’État, et la question des maltraitances institutionnelles, notamment au sein des Magdalen Laundries.

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