Quid de l’urgence démocratique ?

La question est celle d’une urgence. Une urgence malheureusement inaudible parce que masquée par d’autres tout aussi urgentes : l’urgence climatique ou l’urgence migratoire, ces dernières étant intrinsèquement liées, et qui ne nous laisseront aucun temps de penser la troisième : l’urgence démocratique.

Que la démocratie soit régulièrement attaquée, cela nous le savons. Nous pouvons nous souvenir, à titre d’exemple, de cette déperdition de la démocratie, qu’il a été formellement démontré, notamment par l’affaire Cambridge Analytica, que Facebook a joué un rôle important et probablement en partie déterminant dans au moins trois phénomènes politiques majeurs : l’élection de Donald Trump, le Brexit et, ce cas est moins connu mais tout aussi grave, la visibilité des discours de haine favorisant le génocide des Rohingyas en Birmanie. Et si on remonte un peu le temps on trouvera aussi largement de quoi documenter son rôle dans les révolutions du printemps arabe, et dans la manière dont il a aussi contribué à la structuration et à la mise en lumière des mouvements sociaux Nuit debout et les Gilets jaunes.

Tout le monde sait que les plates-forme telles Facebook mais également YouTube(Google) ou Twitter ont joué, jouent et joueront un rôle absolument déterminant dans toutes les élections à venir.

Et là quid des questions primordiales auxquelles l’humanité devra répondre que sont le climat, les migration et la démocratie, dans une absence justement de démocratie ?

En avril 2019, dans une conférence TED*, la journaliste d’investigation Carole Cadwalladr, qui a révélé le scandale Cambridge Analytica, s’adressait directement à Facebook – en rappelant que la firme avait tenté de faire interdire la parution de son enquête en la menaçant d’un procès – et elle disait à Mark Zuckerberg et Sheryl Sandberg qu’ils étaient définitivement « du mauvais côté de la barrière(1) ».

Aucune nation n’est épargnée par la possibilité d’une liquidation de la démocratie. Les populismes se font entendre partout. Même en France ! Notre Première ministre actuelle n’a-t-elle pas, à sept reprises, utilisé l’article 49.3 qui lui permet d’éviter le débat parlementaire et donc d’ignorer le Parlement et les représentants du peuple. Ce qui ne favorise pas la défense de la démocratie.

On le voit, il y a là une vraie urgence démocratique. Le contexte actuel d’effondrements symboliques, économiques, politiques générant cette perte de sens que tous nous ressentons, favorise, faut-il le souligner, l’avènement de régimes totalitaires. Pour répondre à cette urgence commençons par « désarmer » ces plate-formes, ou du moins museler leurs pouvoirs par des lois réellement encadrantes et suffisamment coercitives, réformons nos constitutions qui ne sont plus d’actualité et rendons ainsi leur parole, souvent trahie, aux citoyens.

1) Carole Cadwalladr, Facebook’s rôle in Brexit - and the threat to democraty, TED 2019, avril 2019 (traduction en français disponible sur le site)

http://www.ted.com/talks/carole_cadwalladr_facebook_s_role_in_brexit_and_the_threat_to_democraty. 

*Les conférences TED sont une série de conférences organisées au niveau international par la fondation nord-américaine The Saphing Foundation. Elle a pour but, selon son slogan « des idées qui valent la peine d’être diffusées ».