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16 mars 2021

Les survivantes. Camille Schmoll " Les damnées de la mer"

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C. Schmoll invite à féminiser le regard porté sur la migration vers l’Europe. Les politiques publiques migratoires sélectionnent les femmes selon des principes pas toujours compatibles de moralité, de vulnérabilité et d’utilité, et déterminent leur position à venir dans nos sociétés.

La nuit de Noël 1996, 283 des 500 migrants ayant quitté les côtes égyptiennes pour rejoindre l’Europe perdaient la vie dans le silence général au large des côtes de Syracuse, en Sicile. Ce n’est qu’en janvier 1997 que des fragments de cette tragédie ont émergé grâce à la parole des survivant·e·s. Ce naufrage marquait le début d’une série de traversées, réussies ou jamais abouties dans la Méditerranée centrale. Aux visages des survivant·e·s de l’époque se sont ajoutés ceux de milliers d’autres personnes qui se sont approchées des frontières de l’Europe, sont parvenues à y trouver leur place ou sont encore en errance dans la détresse.

Les médias nous ont proposé une lecture de ce phénomène qui mêle urgence, spectacularisation et compassion, et les politiciens ont exploité la visibilité croissante des exilés pour accroître l’anxiété de l’invasion et du « grand remplacement », en faisant rarement – sauf exception notable – le pari d’une politique accueillante sur la longue durée. Et depuis les années 1990, au fil des discutables politiques européennes et nationales, les violences sur la route migratoire ont empiré et l’approche répressive et sécuritaire a rétréci les possibilités dérivées de la mobilité. Les travaux de recherche se sont multipliés pour démêler avec finesse ces dynamiques.

Tout en s’inscrivant dans cette foisonnante production académique et s’enrichissant de ses apports, l’ouvrage de Camille Schmoll s’en distingue en nous livrant, à travers l’analyse de huit ans d’ethnographie conduite à Malte et en Italie, une histoire des survivantes. Elle invite à « féminiser le regard » (p. 197) sur la migration vers l’Europe et sa gestion. De fait, le livre éclaire la complexité des motivations et des expériences qui caractérisent les départs et les trajectoires migratoires – souvent en conflit avec les catégories prévues par le droit international – des « femmes qui « transgressent l’immobilité à laquelle elles ont été assignées » (p. 189) et « traversent la Méditerranée » (p. 187-188). À l’encontre des imaginaires des femmes qui rejoignent leur mari ou qui restent au pays dans des villages vidés d’hommes, les femmes, dont la géographe nous dévoile le point de vue, décident de partir. Elles sont de nationalités différentes (Érythréennes, Nigérianes, etc.) et ont des situations administratives et légales diverses. Mais elles ont toutes en commun d’avoir franchi « l’épreuve de la Méditerranée » (p. 210) avec d’innombrables épreuves annexes qui font la « singularité commune » (ibidem) de leurs parcours. Voir l'analyse de Laura Odasso, chercheure à la chaire Migrations et Sociétés du Collège de France et membre de l’Institut Convergences Migrations.

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