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27 janvier 2021

Portrait de la France en startup. Denis Lacorne "Tous Milliardaires ! Le rêve français de la Silicon Valley"

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Alors que la Silicon Valley suscite craintes et admirations à travers le monde, D. Lacorne revient sur l’histoire d’une passion politique française qui court de Charles de Gaulle à l’actuel président et souligne les limites de la French Tech.

« Une start-up nation est une nation où chacun peut se dire qu’il pourra créer une startup. Je veux que la France en soit une ». Au moment de cette déclaration, faite à la fin du mois de juin 2017 à l’occasion de l’inauguration de la Station F, plus grand campus startup du monde, Emmanuel Macron confiait que lui-même avait imaginé par le passé emprunter la voie de l’entrepreneuriat. C’est à cet enchantement des plus hautes sphères de l’État pour l’entrepreneuriat que s’intéresse le dernier ouvrage de Denis Lacorne. On connaissait ses travaux de référence sur l’histoire politique nord-américaine, mais c’est une sorte de contre-pied qu’il propose ici en regardant non plus les États-Unis depuis la France, mais la France depuis les États-Unis, à travers le vieux rêve d’une Silicon Valley à la française. De Gaulle et le plan calcul destiné à soutenir l’entreprise informatique Bull contre IBM, Pompidou émerveillé par le dynamisme et l’ingéniosité des ingénieurs du nord de la Californie, Mitterrand mis sous le feu des critiques de Steve Jobs à l’endroit du modèle éducatif français et s’enthousiasmant pour la télématique (p. 138), les Présidents N. Sarkozy et F. Hollande s’évertuant à promouvoir des « champions nationaux », jusqu’à E. Macron qui y a puisé le cœur de son programme politique : à partir de positions partisanes sensément distinctes, tous ont vu dans l’horizon californien la promesse d’une renaissance industrielle du territoire français.

Sur la base de trois types de sources, une revue de littérature sur l’entrepreneuriat, une recension d’articles de la presse économique française et nord-américaine, complétées par une vingtaine d’entretiens réalisés dans la Silicon Valley auprès d’entrepreneurs expatriés, Denis Lacorne propose un retour sur cet impossible continuisme, en s’intéressant plus particulièrement à ces développements récents. Se tenant à distance d’une position technocritique qui envisagerait la Silicon Valley comme le visage souriant d’un capitalisme prédateur, l’auteur prend au sérieux ce rêve éveillé de l’Exécutif français : l’esprit libertarien, technophile et darwiniste de la Silicon Valley est-il transposable au sein d’un pays marqué par une tradition colbertiste et par une structure de pouvoir étatiste ? Il y répond à travers un détour clair et didactique par deux temps, le premier centré sur la formation de l’« esprit » de la Silicon Valley, le second axé sur les récentes tentatives françaises pour l’importer.

L’esprit de la Silicon Valley et la psychologie du risque

Souvent présenté comme un modèle, la Silicon Valley relève d’une construction historique, patiente et composite, où quelques noms éclipsent un environnement de travail associant entrepreneurs, ingénieurs, managers, investisseurs et avocats, autour d’une dizaine d’universités, dont Stanford et Berkeley constituent les têtes de pont. Si les créations d’entreprises y sont particulièrement à la hausse depuis les années 1980, c’est dans les années 1930 et 1940 que l’auteur en situe le point d’origine avec la systématisation du passage de jeunes chercheurs travaillant au développement de nouvelles technologies, d’abord dans le domaine du transistor puis des microprocesseurs, vers des entreprises de petite taille à croissance rapide dont ils assurent la direction (p. 22-23). Cette poursuite de la recherche par d’autres moyens, qui fait des étudiants en ingénierie le rouage de la dynamique entrepreneuriale, se retrouve au principe des succès de Hewlett Packard, Intel, Apple, Paypal, ou Google. Voir l'analyse d'Olivier Alexandre, sociologue, chargé de recherche au CNRS/Centre Internet et Société, ancien visiting scholar aux universités de Northwestern et de Stanford.

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