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19 janvier 2021

Matthieu Orphelin : « Pour 2022, si l’écologie et la gauche sont séparées, on va droit à la défaite »

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« C’est une supercherie de porter des objectifs toujours plus élevés sans avoir des actions à la hauteur », estime Matthieu Orphelin. Ce député, qui a quitté La République en marche, plaide pour une écologie qui « améliore la vie des gens, et notamment celle des moins aisés ». Prochaine étape ? Rassembler les acteurs de l’écologie sociale, de gauche, pour 2022.

Matthieu Orphelin est député (ex-La République en marche) de la première circonscription du Maine-et-Loire. Docteur en énergétique de l’École des Mines, il a été porte-parole de la fondation Nicolas Hulot et vice-président (Europe Écologie — Les Verts) de la région Pays-de-la-Loire.

Reporterre — Vous êtes membre du groupe de suivi du projet de loi Convention citoyenne pour le climat, comment réagissez-vous au détricotage des propositions des cent cinquante citoyennes et citoyens ?

Matthieu Orphelin — Depuis le début, je crois à cette initiative. Le 25 novembre 2018, [la chercheuse et membre du Giec] Valérie Masson-Delmotte et moi avons publié une tribune qui appelait à « réinventer le dialogue autour de la transition écologique » dans laquelle on proposait de tirer au sort cent citoyens. On est parmi les premiers avoir mis sur la table cette idée et à l’avoir présentée comme une des portes de sortie à la crise des Gilets jaunes. Tout au long du processus, j’ai suivi les débats de la Convention. J’ai trouvé l’implication et le travail des citoyens incroyables.

Quand Emmanuel Macron a annoncé en juin vouloir reprendre 146 des 149 propositions, j’ai fait partie des gens qui ont dit « banco » ! Nous avons vite déchanté. Si on fait une analyse factuelle de la situation, on se rend compte que la promesse du sans filtre n’a pas été respectée. La « superbe coconstruction de la loi » que nous vantait le gouvernement n’a pas eu lieu. Et les mesures les plus importantes n’ont pas été arbitrées ou sinon défavorablement. Les ministres disent qu’on n’a pas l’argent, alors qu’ils ont écarté lors des débats budgétaires toutes les propositions que nous avions portées sans relâche : régulation des niches fiscales dont bénéficient les géants du numérique et du e-commerce, contributions des plus hauts revenus, des plus grands patrimoines et des plus grandes entreprises épargnées par la crise…

Face à cela, les citoyens ne sont pas dupes. C’est d’ailleurs très intéressant de voir comment ils ont acquis grâce à ce travail un véritable savoir. Ce ne sont pas des experts mais ils ne se laissent pas manœuvrer avec des éléments de langage classiques. Les citoyens sont dans une attitude qui force le respect.


Le projet de loi issu de la Convention n’est-il pas vidé de sa substance ?

En tout cas, il ne permettra pas d’arriver à l’objectif de réduction de moins de 40 % d’émissions de CO2 d’ici 2030. C’est clair et net. Il y a une incompréhension majeure entre le président de la République, ce qu’il estime avoir fait et la réalité de ce qu’il faudrait faire. C’est ce que lui rappellent d’ailleurs les citoyens. Emmanuel Macron n’a pas respecté les règles du jeu qu’il avait fixées. S’il leur avait dit de trouver des solutions pour baisser de 10 % les émissions de CO2 d’ici 2030, les citoyens auraient élaboré un projet moins ambitieux. Là, ils ont simplement répondu à la feuille de route du gouvernement. En rabotant leurs propositions, le gouvernement renie ses propres ambitions. À chaque fois qu’il refuse une mesure, il pourrait, au moins, en proposer une autre avec un effet équivalent sur les émissions. Ça serait logique...


Non seulement cette loi ne permettra pas de réduire les émissions de 40 % mais la France et Emmanuel Macron viennent de s’engager pour qu’on passe à moins 55 % en Europe. Que révèle cette discordance ?

Il faut avoir des objectifs ambitieux, c’est important. Surtout que la France a poussé d’autres pays pour qu’on aille vers cet horizon. Mais sans actions suffisantes pour les réaliser, dès maintenant et dans les prochains mois, on n’y arrivera pas. Donc d’une certaine façon, c’est une supercherie de porter des objectifs toujours plus élevés sans avoir des actions à la hauteur.

Une supercherie, c’est du mensonge…

C’est votre mot. J’essaye toujours de peser les miens. En tout cas, il est illusoire de fixer des objectifs aussi ambitieux s’il n’y a pas de changement d’échelle dans l’action. Le président se dit satisfait de son bilan et affirme que personne n’en a jamais fait autant sur l’écologie. Alors, peut-être en a-t-il fait plus que Hollande ou Sarkozy, mais ce n’est pas le sujet. Le sujet, c’est de réduire les émissions de 6 % par an. L’exécutif se contente trop souvent de modifications à la marge. Je crois que les cent cinquante citoyens ont mieux mesuré la réalité de ce qu’il faut faire. L’écologie est une chance pour répondre à la crise, mais elle nécessite un changement de grande ampleur.

L’annonce du référendum est-elle une manière de masquer les renoncements du gouvernement ? Est-ce une manœuvre dilatoire ?

Dès que j’ai appris qu’un référendum [qui demanderait aux Français d’inscrire l’impératif écologique dans l’article 1 de la Constitution] allait être annoncé, j’ai dit qu’il ne fallait pas qu’on tombe dans le piège. La réforme de la Constitution, je l’ai portée depuis le début du mandat. Nicolas Hulot était encore au gouvernement, j’ai été le premier député à la défendre. Je pense que la modification de l’article 1er est utile pour solidifier l’assise de l’écologie dans le droit constitutionnel. Pour autant, nous devons être vigilants. Emmanuel Macron est très fort en stratégie politique et cette idée de référendum, à ce moment-là du mandat, peut faire diversion. D’ailleurs, le lendemain de l’annonce, la plupart des médias ont titré sur le référendum et non sur les mesures abandonnées par le gouvernement.

Suite de l'entretien sur le site de Reporterre

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