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3 décembre 2020

Les visages de la pandémie « Make care » : des visières contre le Covid-19

mas Une enquête sociologique sur les “makers”, qui fabriquent bénévolement des visières de protection contre le Covid, révèle un monde créatif en plein chantier, disposé à partager les fruits de l’innovation et apte à constituer des collectifs efficaces face à l’incurie des pouvoirs institutionnels.

« Coronavirus, quand les inventeurs viennent à la rescousse des hôpitaux » publie Le Parisien le 23 mars. « La 3D en renfort des soignants » annonce le média ligérien Presse Océan le 24 mars. « Montélimar : ils fabriquent des visières contre le coronavirus avec des imprimantes 3D » titre France Bleu Drôme Ardèche le 26 mars. « Coronavirus. À Plourin, des visières ‘fabriquées maison’ pour les soignants » peut-on lire dans Ouest France le 27 mars.

Aux quatre coins de la France, à travers plus de trois mille articles, la presse régionale et nationale s’est largement fait l’écho d’un mouvement de fabrication de matériel de protection. La figure du « maker », jusqu’alors confinée au monde de la fabrication numérique (avec pour organisations emblématiques les fablabs, les hackerspaces ou certaines startups), fait son apparition dans l’espace public. Appartenant au monde du DIY (Do It Yourself), lequel regroupe un vaste ensemble d’activités liées au « faire », des couturier.es ou tricoteur.euses amateur.rices aux bricoleur.euses du dimanche en passant par les adeptes de la confection de cosmétiques « maison », les makers se singularisent par leur volonté, individuelle et collective, de se constituer en mouvement. Le making relève ainsi à la fois d’un ensemble de pratiques, parmi lesquelles la maîtrise de certaines machines – telles que l’imprimante 3D et parfois la découpeuse laser – joue un rôle central, mais recouvre également des dimensions plus politiques, notamment l’accent mis sur l’autonomie des individus dans l’apprentissage ou sur le libre partage des fruits de l’innovation.

Ayant lancé, dès le début de la crise, une enquête sociologique en terrain numérique, nous découvrons un monde créatif, en plein chantier, essentiellement composé de bénévoles, qui ont décidé de concevoir, de produire, et de distribuer des visières de protection aux soignant.es et aux personnes exposées. Des chaînes de solidarité insoupçonnées, se déploient au fil des jours. Confinement oblige, la production se fait souvent à domicile ou dans des locaux privés, et la distribution doit s’adapter aux contraintes qui restreignent alors la liberté de mouvement.

En cette fin de mois de mars, dans un contexte de pénurie de matériel de protection, des réseaux se mettent en place. Des groupements auto-organisés émergent à plusieurs échelles et par le biais de différents supports numériques. Sur Facebook, des groupes comme Shields – VisièresSolidaires ou Makers contre le Covid se ramifient en différentes entités territoriales (départementales ou régionales), sur l’application Discord le groupe Entraide maker – COVID 19 est rapidement créé par le youtubeur Mr Bidouille. Des plateformes comme Covid3D.fr, portée notamment par la youtubeuse Héliox, sont spécifiquement conçues, et le media en ligne 3D Natives coordonne l’initiative Les Visières de l’Espoir. Au fil de la crise, le phénomène prend de l’ampleur, plusieurs milliers de personnes s’impliquent dans la production de visières, bien davantage si on inclut la fabrication artisanale de masques en tissu.

Ce mouvement, exceptionnel à bien des égards, peut être interrogé sous plusieurs angles. Comment s’organisent et se structurent les différents réseaux de makers ? Pourquoi les makers s’engagent-ils dans le mouvement et comment s’articulent leurs différentes formes d’action, de la conception de modèles à la livraison de visières, en passant par la fabrication et la coordination avec leurs homologues ?

S’auto-organiser : formes des collectifs de makers

Le contexte de confinement a semblé à première vue restreindre à la production individuelle les initiatives des makers disposant d’imprimantes 3D : on fabrique chez soi, pour ses voisin.es, pour sa famille, pour ses ami.es. Toutefois, l’ampleur du besoin implique rapidement que les makers s’organisent pour faire face à une demande toujours plus large, et qui dépasse les cercles de connaissance personnelle. Côté production de visières, le mouvement prend une dimension nationale grâce aux réseaux sociaux. En outre, le recours aux structures collectives qui organisent habituellement l’entraide, la production ou encore la distribution de biens – en particulier les associations et les entreprises – est rendu difficile par la situation de confinement. Il faut donc (re)penser l’action collective, et (ré)inventer des manières de s’organiser pour agir ensemble. La mise en Communs (Ostrom 1999) de matières premières, de ressources et de moyens de production apparaît alors comme une solution pour répondre aux exigences éthiques et techniques de la production, soulevant ainsi des enjeux d’action collective. Il s’agit de comprendre le processus auto-organisationnel qui en découle à partir des ressources dont disposent les acteurs.

La conception de dispositifs de protection à destination des soignant.es, véritable R&D du monde maker, constitue un premier domaine où se pose la question de l’organisation. Dans les premiers moments de la crise, quantité de propositions de dispositifs émergent sur des plateformes en ligne de conception Do it yourself, sur les groupes Discord de makers, mais aussi à l’échelle locale, dans certains fablabs. On y parle alors de masques en plastique ou en tissu, de gel hydroalcoolique, de surblouses médicales, ou encore de respirateurs et de « pousse-seringue ». Toutefois, c’est la conception de visières de protection qui attire particulièrement l’attention. Voir l'étude de Léo Chalet qui étudie la sociologie à l’ENS Paris-Saclay. Lors d’un projet collectif de recherche encadré par Volny Fages et Emile Gayoso, il travaille sur les réseaux de fabrication de visières pendant la crise sanitaire

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