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3 décembre 2020

Sur l’origine Sars-CoV-2, « on tente d’expliquer les zones d’ombre »

sars L’origine du Sars-CoV-2, le virus du Covid-19, reste mystérieuse près d’un an après sa possible apparition. Passage direct depuis la chauve-souris ? Animal intermédiaire (le pangolin n’y est finalement pour rien) ? Accident de laboratoire ? Reporterre s’est entretenu avec Étienne Decroly, directeur de recherche au CNRS.

Reporterre — Dix mois après la description des premiers cas officiels de Sars-CoV-2, à Wuhan, que sait-on des origines de ce virus ?
Étienne Decroly — Nous avons un certain nombre de faits établis, et puis des hypothèses tentant d’expliquer les zones d’ombre. Ce que l’on sait, c’est que les coronavirus constituent une famille de virus bien connus qui circulent principalement chez les chauves-souris, dont ils infectent près de 500 espèces, mais aussi chez d’autres animaux. Ces virus peuvent franchir la barrière d’espèce et provoquer épisodiquement des épidémies chez les humains, cela a déjà été le cas à plusieurs reprises.

Jusqu’ici, il n’y a jamais eu de passage direct de la chauve-souris à l’humain responsable d’épidémie, et un tel passage était considéré comme très peu plausible. Pourquoi ? Parce que les habitats des humains et des chauves-souris se recoupent peu, et surtout parce que la distance génétique entre les humains et la chauve-souris est assez importante — ces animaux et nous-mêmes n’avons donc pas exactement les mêmes récepteurs, ces molécules par lesquelles les virus s’accrochent à leurs hôtes. En général, il faut donc un hôte intermédiaire, un animal pour faire la transition. Cet animal a été la civette (un petit carnivore) dans le cas du Sars-CoV-1, et le dromadaire dans le cas du Mers-CoV, pour citer deux coronavirus récemment passés de la chauve-souris à l’Homme.

Concernant le Sars-CoV-2, son génome indique qu’il est proche d’un virus de chauve-souris nommé RaTG13… mais pas assez proche pour qu’un passage direct soit vraisemblable. C’est un peu comme si on tenait le grand-père du virus actuel, mais pas son père ! Il y a donc là une énigme scientifique, car la thèse initiale selon laquelle l’hôte intermédiaire serait le pangolin a été infirmée par la recherche — le coronavirus du pangolin est en réalité très différent du Sars-CoV-2 si on regarde l’ensemble du génome.

Alors quelles sont les hypothèses sur la table ?

D’abord, on ne peut écarter totalement la piste d’un passage direct de la chauve-souris à l’Homme. Les chercheurs de l’Institut de virologie de Wuhan ont en effet démontré in vitro que l’on pouvait infecter en laboratoire des cellules humaines avec des coronavirus de chauve-souris. Mais les biologistes savent que les cultures cellulaires sont un peu « des bêtes de cirque » — dans la nature le franchissement de la barrière d’espèce est bien plus difficile, notamment parce que le système immunitaire intervient.

Pour qu’une telle infection directe ait lieu, il faut sans doute une exposition très importante au virus. Il y aurait un précédent : en 2012, des mineurs se seraient infectés en nettoyant du guano de chauve-souris dans la grotte de Mojiang, dans la région du Yunnan, dont RaTG13 provient, et trois d’entre eux sont morts de pneumonies atypiques. On peut donc imaginer que d’autres mineurs, ou des villageois de la région, aient été infectés par ce virus. Celui-ci s’y serait adapté à l’Homme, avant d’émerger dans la ville de Wuhan. Mais, comme je l’ai dit, un tel passage de la chauve-souris à l’Homme n’a jamais été documenté, et il faudrait, pour accréditer ce scénario, disposer de prélèvements viraux effectués dans les populations locales ou dans les mines confirmant cette voie. En dehors de cette piste, soit il y a un animal qui a servi d’hôte intermédiaire, soit on peut faire l’hypothèse d’un accident de laboratoire.

Quel pourrait être cet animal ?

Pour l’instant, nous n’en savons rien, et les prélèvements qui ont été effectués sur le marché de Wuhan n’ont rien donné. Il faut tout de même savoir que beaucoup de petits carnivores peuvent être infectés par les coronavirus de chauve-souris. Nous avons vu cela lorsque la civette a permis le passage du Sars-CoV-1 à l’humain, et plus récemment cela a été à nouveau illustré par le fait que la Covid-19 a infecté les visons d’élevage danois, circulant très facilement parmi eux, y a muté, et a réinfecté des humains.

Or, en concentrant dans des espaces exigus de très grands nombres d’animaux stressés par leurs conditions de vie, les élevages jouent souvent le rôle de bouillons de culture, amplifiant la possibilité d’infections humaines. Et l’élevage d’animaux à fourrure s’est énormément développé en Chine ces dernières années, par exemple celui des chiens viverrins, ainsi d’ailleurs que toutes sortes d’élevages d’animaux sauvages tels que le pangolin, justement. On peut parfaitement imaginer qu’un coronavirus s’adapte à ce type d’hôte, y compris de manière partiellement asymptomatique, ce qui rendrait la chose difficile à détecter pour les vétérinaires, et passe ensuite à l’humain.

On a d’ailleurs vu maintes fois ce scénario avec les grippes aviaires dans les élevages de volailles ; et en ce moment même un coronavirus nommé Sads-CoV circule dans les élevages porcins chinois, où il cause une mortalité importante. Une étude parue en octobre vient par ailleurs de montrer qu’il peut infecter des cellules humaines in vitro. 

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