L’art de ne rien faire
Dans un essai finement écrit, Thomas Baumgartner explique comment le paresseux élargit l’écran de son imaginaire.
C’est un essai qu’on regarde d’abord du coin de l’œil, sourire aux lèvres. Son titre et son sous-titre en jaune fluo semblent plus provocateurs que dignes de la page psy du lundi. Voyez plutôt: Ne rien faire, une méthode approximative & contradictoire pour devenir paresseux sans se donner trop de mal (Ed. Kero, 2019). Et puis, à lire cette fine fugue du journaliste Thomas Baumgartner, on est frappé par sa pertinence et sa profondeur. Pas seulement parce que Sénèque, André Filliou, Paul Lafargue ou Stevenson sont conviés en renfort de cette thèse du moindre effort. Surtout, parce qu’il s’en dégage une sérénité, une détermination à viser le moins d’encombrements pour le plus de liberté et de fantaisie. Et puis, la flemme a ses héros, Snoopy, Gaston Lagaffe, The Big Lebowski… Des modèles qui nous rappellent qu’être humain, ce n’est pas se tuer à la tâche, mais apprécier la richesse infime et infinie du quotidien. La paresse s’apprivoise, l’oisiveté a son mode d’emploi. Suivez le guide!
Avant tout, l’auteur, qui a brillé à France Culture avant de diriger pendant deux ans Radio Nova, présente ce que «ne rien faire» n’est pas. Ce n’est ni dormir, ni mourir. Car il faut être éveillé et vivant pour mener ce combat du rien, ce sublime dénuement qui permet l’éclosion d’une nouvelle dimension. Ce n’est pas le silence, non plus, car le silence renverrait le sujet à ses acouphènes – oui, le futur oisif a beaucoup fait la fête par le passé. Mais ce peut être une musique sans début, ni fin, une musique expérimentale, car si l’on écoute de la pop, on chante le refrain et, du coup, on ne fait pas rien. Cela dit, comme Thomas Baumgartner cultive la contradiction, il autorise Jacques Higelin, chantre du moment présent et de la chute dans l’inconnu. Tombé du ciel…