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15 octobre 2019

L’homme qui jette et qui oublie. Baptiste Monsaingeon "Homo Detritus. Critique de la société du déchet"

homo detritus Producteur de déchets toujours plus nombreux, l’homme moderne n’a plus avec eux le même rapport. Que révèlent ces déchets que l’on tente de cacher ou d’éloigner de nos sociétés ? Maîtrisons-nous les déchets que nous tentons de gérer ou nous échappent-ils ?

C’est une curieuse invitation au voyage que propose Baptiste Monsaingeon, parmi les déchets que produisent nos sociétés contemporaines. Ce livre, qui se met « à l’écoute de ce qui reste », est le fruit d’une recherche commencée lors d’une thèse en sociologie. S’ouvrant sur un aperçu historique qui retrace le rapport de l’homme aux déchets – essentiellement ménagers –, il se concentre sur les défis actuels liés aux usages et à la réappropriation des déchets. Il y déploie une critique de notre société des déchets, qui clame une maîtrise de ceux-ci, à travers une gestion idéale et politiquement magnifiée, le recyclage. Or, ce mode de gestion des déchets vise à rendre invisibles ces objets gênants, révélateurs d’une société de surconsommation et de destruction des ressources naturelles non renouvelables.

Histoire des déchets

La première moitié de l’essai trace l’histoire de la gestion des déchets ménagers. L’auteur a établi une revue de la littérature exhaustive depuis la période médiévale, en citant les travaux de Sabine Barles, Catherine de Silguy, Jean-Pierre Leguay, Thomas Leroux, Delphine Corteel et Stéphane Le Lay, ainsi que les recherches de Rathje et Murphy. L’auteur défend à juste titre l’idée selon laquelle le déchet n’existe pas durant l’époque médiévale en raison de l’absence de « construction sociale » de la gestion des déchets, malgré le souhait exprimé par certains rois de légiférer sur les immondices. La rue est le réceptacle de l’ensemble des rebuts jetés par les habitants et, à partir du IIIe siècle après J.-C., la ville vit dans le tumulte des déchets.

Nous pourrions définir ce chaos comme un « état de nature hobbesien » [1] où aucune institution n’existe pour gérer les déchets. L’auteur revient sur l’activité des chiffonniers, ces collecteurs de déchets qui se multiplient à partir de la période préindustrielle. Avec le courant hygiéniste visant à assainir les villes et les efforts de l’État cherchant à normaliser leur activité, cette profession rebelle, qui vit largement en marge de la société, est réduite à peau de chagrin, jusqu’à disparaître avec un arrêté du préfet de police du 30 novembre 1946.

Si la période des deux guerres mondiales encourage la récupération et le réemploi, Baptiste Monsaingeon précise la faible efficacité de la collecte durant la guerre. L’après-guerre se caractérise immédiatement par le développement des produits jetables, piliers de la société d’obsolescence programmée. Le déchet est alors de plus en plus évincé, traité loin du regard des habitants, que ce soit par la mise en décharge ou l’incinération. L’auteur nomme cette période « l’apprentissage de l’oubli ». S’il est classique de décrire les années 1970 comme un tournant environnementaliste, durant lesquelles croissance effrénée et gaspillage trouvent leurs premiers adversaires déclarés, la société de consommation n’en est pas pour autant sérieusement remise en cause. Les déchets sont « environnementalisés », grâce à une défense politique de l’intérêt du recyclage, cercle vertueux permettant de ne pas révolutionner l’ordre sociétal établi.

syl

Voir l'analyse écologiste de Sylvie Lupton, docteure, habilitée à diriger des recherches en économie à UniLaSalle Beauvais. Ses travaux portent sur la gestion des risques et de l’incertitude en agriculture, et sur l’économie des déchets

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