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23 septembre 2019

Avec tous les autres. Corine Pelluchon "Éthique de la considération"

ethique La transformation du monde passe par la transformation de soi. L’éthique de la considération, selon C. Pelluchon, doit nous permettre de relever les défis écologiques et sociaux auxquels nous sommes confrontés, afin qu’à nouveau nous puissions vivre avec les autres êtres, quels qu’ils soient.

Dans un monde menacé d’effondrement, sourd aux enjeux écologiques et tourné vers un économisme sacrifiant les aspirations humanistes des individus et assombrissant les processus démocratiques, l’enjeu de l’ouvrage de Corine Pelluchon est de rendre possibles « de nouvelles Lumières » (p. 262) en proposant une éthique propre à réduire l’écart entre ce que nous savons et ce que nous faisons. Tout au long de ce livre dense, ardu et stimulant, la philosophe décrit un processus de subjectivation puisant dans les morales antiques mais dégagé de tout rapport à Dieu, ayant pour but d’ouvrir à une considération reconnaissant la valeur propre de chaque être humain et de chaque vivant.

L’universalisme dans la singularité qui est ici affirmé prend en compte la corporéité, pose l’humilité comme condition première et fait de la vulnérabilité une notion majeure afin d’imposer un changement dans la manière dont nous pensons le sujet. Le nouveau-né en tant qu’« être imprévisible et totalement neuf » dont la naissance nous enseigne la pluralité, porte en lui l’espérance d’un renouvellement du monde et apparaît comme une figure politique engageant vers l’éthique de la considération (p. 142).

Cette éthique s’enracine dans l’approfondissement du rapport à soi et la convivance, organisation politique de sujets affirmant leurs interrelations dans un espace commun, nourris les uns des autres et nourris par le monde, restaurés dans leur capacité à agir et à s’émanciper des représentations stéréotypées dont est porteur l’homo oeconomicus.

Rapport à soi et élargissement du sujet

Les normes, ou des principes éthiques extérieurs à soi, ne constituent pas le point de départ de l’éthique de la considération, c’est dans la subjectivité qu’elle s’enracine. Ainsi c’est dans le rapport à soi que se forge le rapport au monde pour cette éthique originale orientée vers l’agir et ambitionnant la transformation du monde contemporain. Les connaissances ne suffisent pas à changer les comportements, c’est pourquoi l’auteure développe « une éthique qui touche en profondeur ce qui nous unit aux autres vivants », êtres humains et animaux (p. 128).

Là où la considération prenait le sens d’un mouvement ascendant vers Dieu chez Bernard de Clairvaux (p. 27), l’essentialisme de toute transcendance déiste est évacué au profit du concept de « transdescendance ». Cela signifie que le sujet fait l’expérience de l’incommensurable qui au lieu de le renvoyer au mouvement de bas en haut de la transcendance ou de la transascendance (p. 254), le renvoie au monde commun : « composé de l’ensemble des générations et des vivants, il est comme une transcendance dans l’immanence et implique la compréhension du lien nous unissant aux autres êtres » (p. 98). L’auteure définit des voies privilégiées pour faire cette expérience de l’incommensurable qui conduit à la transdescendance, la première étant celle de la souffrance qui ne permet plus d’échapper à la sensation (aisthesis) et n’offre plus de distance entre soi et soi, et entre soi et le monde. Elle souligne la capacité humaine à construire un processus de subjectivation qui soit propre au sujet dans « l’épreuve de sa vulnérabilité dans la maladie, la douleur, la dépression, la pitié, le rapport aux animaux et l’appréciation esthétique de la nature ou des œuvres d’art » (p. 255). Car s’éprouver comme fini, mortel, et faire « l’expérience de ce qui nous relie au monde commun est la clef de la transformation des individus » (p. 254), ce qui permet l’approfondissement du sujet et son élargissement au lieu d’un enfermement dans ce que Corine Pelluchon dénonce comme des passions tristes. La « reconnaissance de notre vulnérabilité est la clef pour avoir de la considération envers les autres êtres sensibles » (p. 112). Voir l'analyse de Muriel Prévot-Carpentier, docteure en philosophie et ergonome

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