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4 décembre 2018

La disparition des lucioles

lucioles Le changement de paradigme que nous vivons, ce phénomène culturel et politique qui nous bouleverse, Pasolini l’a parfaitement décrit dans un texte paru en 1975 : « L’article des lucioles » dans Ecrits corsaires. Il partait du constat que plus ou moins lentement, mais inexorablement, nous assistions depuis quelques temps à la « disparition des lucioles » : « ...au début des années 1960, à cause de la pollution atmosphérique, et surtout à la campagne, à cause de la pollution de l’eau, les lucioles ont commencé à disparaître. Cela a été un phénomène foudroyant et fulgurant. Après quelques années, il n’y avait plus de lucioles ».

Pasolini a choisi la métaphore poétique pour décrire une révolution sociale, politique et culturelle : «...quelque chose qui n’existait pas, qui n’était pas prévisible » a brutalement transformé et traumatisé le langage, les valeurs et les comportements des Italiens. Aux valeurs traditionnelles d'un "vieux monde" paysan et « paléo-capitaliste », « Eglise, patrie, famille, obéissance, ordre, épargne, moralité » propres à ce qu’il nommait « le clérico-fascisme » se sont substituées de nouvelles valeurs, au nom de la modernité et du pragmatisme, férocement « non idéalistes », farouchement et « faussement tolérantes », exigeant un conformisme de masse que portent la consommation et la télévision dont Pasolini nous dit que ce « fascisme de consommation » constitue un « totalitarisme » « pire que celui du vieux pouvoir ».

Pour Pasolini, « la phase de la disparition des lucioles » représente au nom du progrès et du bien-être  le passage d’une époque humaine à une autre, dû à l’avènement de la consommation et de son hédonisme de masse : c’est un événement qui, en Italie, a constitué une véritable révolution anthropologique.

La pensée visionnaire de Pasolini ne peut que nous laisser stupéfait, comme l’a rappelé Roland Gori (La dignité de penser).

Et ce que nous vivons aujourd’hui, en France d’abord, mais aussi ailleurs, avec le mouvement des Gilets jaunes, c’est ce mal-être généré par la marchandisation généralisée orchestrée par « le nouveau monde » défendu avec une forte opiniâtreté par le président de la république actuel.

« De toute façon, les politiciens ne nous écoutent pas ; eux et leur politique, ils s’en fichent de ce que nous voulons, de ce que nous ressentons et de ce que nous avons besoin », voici ce que j’ai recueilli comme doléances. Cette détresse m’est non seulement inconfortable mais aussi insupportable. Et aussi longtemps que les politiques considéreront leurs concitoyens comme des mesures d’ajustement structurel nécessaires ou qu’ils répondent à des contraintes objectives et sans alternative, il ne saurait y avoir de dialogue.

Si les politiques pouvaient faire preuve d’un peu de décence dans l’utilisation de leurs enveloppes budgétaires, cela pourrait contribuer à faire tomber la pression sociale, et plus, encore, ils seraient bien avisés d’appliquer des mesures de moralisation dans leur conduite.

Pour conclure cet édito, la persistance du mouvement des Gilets jaunes exprime aussi une forme de légitimation de la transgression à un ordre (numérique) établi aux forceps.

Et, enfin, si le Peuple était entendu, la République aurait tout à y gagner !

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