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Vivons nos temps
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24 novembre 2014

Y a-t-il des valeurs universelles ?

Troisième et dernière partie. Au contraire, devenu un être de langage, il a pour mission d’être l’interlocuteur ; il sera d’autant plus grand qu’il entre en relation avec quelque chose de plus vaste et qui cherche à s’élever. Oui, l’humain est un pari, un devenir. C’est une aventure qui n’a pu et ne pourra prendre corps et sens qu’au sein d’une aventure plus prometteuse, plus exigeante, celle de la Vie en devenir. A partir ce cette considération, je me permets d’avancer le point suivant. Si, dans l’Ordre de Matière, on peut formuler des théorèmes par lesquels des faits objectifs se vérifient invariablement, dans l’ordre de la Vie, en revanche, tout ce qui a lieu résulte toujours d’une rencontre, chaque fois singulière, entre un sujet et un autre sujet, entre le sujet et le réel.. Prenons les trois Excellences platoniciennes. La bonté implique toujours une relation réelle et personnalisée, laquelle revêt un contenu et un devenir chaque fois spécifiques. Il en va de même pour la vérité de vie. De même aussi pour la beauté, car in n’y a d’authentique beauté que révélée. Celle révélée par un tableau de Cézanne, par exemple, résulte de la rencontre décisive entre le peintre et la montagne Sainte-Victoire. Cette rencontre se fait d’ailleurs à de multiples niveaux. Du côté de la montagne, d’abord, entre divers éléments qui la composent : poussée géologique interne, concaténation des rochers stratifiés, houle des végétaux sous l’effet du vent, lumière changeante selon les heures, etc. Du côté du peintre, entre son état présent et toutes les expériences vécues et assumées, entre son regard personnel et celui d’autres créateurs valables qu’il a pu croiser au cours de son cheminement. C’est alors que, le moment étant enfin mûr, l’interaction entre l’homme et la montagne est à même de se produire. Et, comme le pensait déjà Schelling, une vraie œuvre ne se réalise qu’au prix de cet échange en profondeur. Ce qui se réalise est un Trois qui, né du Deux, dépasse le Deux. Ce Trois, que les Anciens Chinois désignaient par le Souffle du Vide, ne serait pas sans le Deux. Mais une fois là, drainant la meilleure part du Deux, il devient une présence en devenir marquée par le dépassement et la transformation. Incarnant la dimension de l’infini du Deux, il est à proprement parler la véritable transcendance devant laquelle le Deux s’incline volontiers. C’est ainsi qu’on peut dire que l’accomplissement de Cézanne, comme toute personne, n’est pas en lui-même, mais en avant de lui, quand il consent à tendre vers une autre présence capable de le révéler, et, par là, le transfigurer. Tel est sans doute le miracle humain : de deux finitudes naît l’infini. A condition, bien entendu, qu’il y ait vrai échange, selon l’absolue exigence de la Vie ouverte où les trois Excellences observées plus haut relèvent, en réalité, de la même essence.

C’est ici que, pour revenir à notre thème des valeurs universelles, nous tentons de mettre en avant un vocable passablement galvaudé : le dialogue. Ce thème qui d’ordinaire suggère un moyen passager, un effort supplémentaire ou alors une complaisance à laquelle on cède, nous l’élevons ici à une dignité plénière en lui accordant une valeur en soi, proprement universelle. Nous l’avons dit, l’homme étant devenu un être de langage, sa mission même est d’être l’interlocuteur, de dialoguer, avec ses semblables certes, mais sur une plus large échelle, avec la Création entière, depuis ses éléments constitutifs jusqu’à se part la plus sublime, la plus sacrée. Un dialogue généralisé fondé sur la conviction que l’univers créé forme un tout unitaire et organique où tout se relie et se tient, où ce qui se passe entre les entités vivantes est aussi important que les entités mêmes. Le Souffle vital qui les anime toutes assurant en permanence cette possible communication. Quelle personne, quelle culture peut réellement respirer l’ouverture et jouir de la métamorphose sans s’engager dans le plus vaste chemin de Vie qu’est la Voix où, selon « le Livre des mutations », tout change ne peut provenir que de l’échange ?

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