Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vivons nos temps
Vivons nos temps
Publicité
Derniers commentaires
Vivons nos temps
Archives
Visiteurs
Depuis la création 301 159
4 novembre 2014

Y a-t-il des valeurs universelles ?

François Cheng, de l’Académie Française, écrivit un article pour l’hebdomadaire Le Nouvel Obs (du 28 janvier 2003), que je vais citer ici, afin de rappeler que nous sommes tous des singularités, et que nos valeurs que nous portons se doivent d’être partagées. Voici ce que disait François Cheng, à cette époque, et qui mérite, aujourd’hui encore, à être médité :

Première partie : « Le destin humain implique un certain nombre de faits et gestes communs à tous : naître, mourir, procréer, affronter souffrances et maux, assumer rêves et désirs, tenter de vivre en harmonie avec autrui, de transcender le temps par une forme de création. D’où l’idée de l’universalité qui se vérifie, du moins au premier degré.

Force est de constater que la manière de nommer et d’envisager ces faits varie selon les langues et les cultures. Qu’en réalité on ne peut atteindre le général que par le particulier. Cette constatation nous rappelle un point plus essentiel encore, à savoir que tout être humain est unique. Il ne peut aborder l’existence terrestre qu’à partir de cette unicité. Cela affirmé, il convient d’ajouter aussitôt qu’en cet univers créé in n’y a point d’unicité isolée, à part. On est unique dans la mesure où d’autres sont uniques. Sinon, on n’est qu’une bizarrerie bonne à être mise dans la vitrine d’un musée. Pour qu’une unicité puisse se constituer et se révéler, il est indispensable qu’elle soit en constant échange avec d’autres unicités ; plus l’échange est plénier, plus elle la chance de rendre fécond et fécondant ce qui fait sa qualité intrinsèque. En élargissant cette vérité, il est permis de dire que la particulier n’est nullement en contradiction avec le général ; au contraire, la vraie valeur du particulier se mesure à sa capacité à s’ouvrir à l’universel.

Cela à l’instar d’un arbre qui, est tenu de s’enraciner profondément dans un sol particulier, de pousser à partir de ce terreau originel, mais qui, une fois qu’il a gagné l’air libre, ne met aucune entrave à se nourrir et à jouir de ce que la Création peut apporter à sa croissance : le soleil, le vent, la pluie, la rosée. Il est d’autant plus proche de son épanouissement qu’il demeure à ciel ouvert, dans un état de réceptivité et d’échange, sans qu’n rien il perde de sa particularité. C’est là, nous semble-t-il, une évidence. Pour nous convaincre davantage de cette évidence, on pourrait observer encore l’exemple de grands créateurs humains. Citons, du côté de l’Occident, le cas d’un Vinci, d’un Rembrandt, d’un Bach, d’un Mozart, d’un Shakespeare, d’un Cervantès ou d’un Hugo. Il n’y a pas d’êtres plus particuliers qu’eux, enracinés qu’ils sont dans une époque, dans un pays, dans une culture. Pourtant, tous, ils ont atteint la dimension universelle et sont capables de toucher les personnes de l’autre bout du monde, car à partir d’un terroir natif ils ont posé les questions fondamentales et cherché à y répondre avec toute la profondeur des aspirations humaines qu’ils portaient en eux.

Compte tenu de ce qui vient d’être dit, nous pensons pouvoir, concernant le problème des valeurs, avancer ceci : sont valables les principes qui permettent aux hommes en société de s’ouvrir vers la plus grande potentialité de Vie. Et puisque nous parlons de l’Occident, pourquoi ne pas indiquer sans tarder certains de ses acquis qui sont en accord avec ces principes, notamment ceux qui sont au fondement de la démocratie : l’inaliénable statut de la personne, les droits fondamentaux qui la protègent, une liberté de pensée et d’action dans le respect du bien commun, autant d’éléments – qui, toujours fragiles, demandent sans cesse à être consolidés – pour empêcher l’arbitraire et la corruption, pour contrer le risque de la tyrannie et garantir le légitime développement individuel. Ces valeurs sont-elles universelles ? Elles le sont si manifestement que la question semble superflue. Pourtant, d’aucuns prétendent qu’elles ne sont pas exportables, que certains peuples d’autres contrées, pour des raisons historiques, géographiques ou démographiques, n’en auraient pas forcément besoin.

Comme certains de ces théoriciens appliquent ce point de vue à la Chine, mon pays d’origine que je connais bien, je me sens en droit de démontrer leur erreur. Considérons les deux courants de la pensée chinoise, le taoïsme et le confucianisme. Le taoïsme est la doctrine qui a exalté l’idée de la liberté humaine : celle-ci, selon elle, ne devait obéir qu’à la loi naturelle de la Voie régie par le Souffle-Esprit. Le confucianisme a surtout mis l’accent sur la responsabilité humaine au sein de la société. Aussi bien Confucius que Mencius, son continuateur, ont péché par trop de confiance en la nature humaine. Ils ont misé sur le souverain éclairé et sur la bonté innée des gens du commun, et une réflexion conséquente sur le problème du droit leur a fait cruellement défaut. Mais tous deux ont exalté la dignité de l’homme, lequel doit participer en troisième à l’œuvre du Ciel et de la Terre. Leur exigence éthique est proche de celle d’un Kant. Je ne vois pas ce qui peut empêcher ces deux courants de pensée d’épouser les valeurs énoncées plus haut ».

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité