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16 juillet 2013

Nous sommes croqués à l'inflation, sauce mondiale, par Cécile Chevré *

"Le niveau actuel de l'inflation (très faible) et du chômage (encore trop élevé) impliquent pour la Fed de rester très accommodante".

En fin de semaine dernière, Ben Bernanke a fait un discours qui ne surprendra aucun d'entre vous : il a rassuré les marchés sur sa volonté de maintenir quantitative easing et politique de taux tant que l'économie américaine le requerrait. En clair, pendant encore très longtemps.

Pas de surprise donc même si les marchés américain et européen ont feint de découvrir qu'il serait difficile à la Fed de couper la vanne de la liquidité sans mettre l'économie et les Bourses à feu et à sang.

Ah, si tout était aussi simple... Car vous remarquerez que toute la politique de la Fed repose sur le fait que l'inflation reste pour le moment contenue.

Les sceptiques que nous sommes brandissent à chaque fois la carte de l'inflation pour expliquer pourquoi la Fed va droit dans le mur. L'explication souvent fournie est simple (voire simpliste) : l'histoire nous prouve que tout épisode d'impression monétaire massif se termine toujours par une bonne vieille inflation, voire une hyperinflation. En gros, quand on imprime des billets à tour de bras, cela finit par vous exploser à la figure.

Cette menace d'inflation, nous la brandissons depuis des années... sans que, pour le moment, celle-ci soit vraiment perceptible ou du moins menaçante. Devons-nous changer notre fusil d'épaule ?

Pour répondre à cette question, je vous propose aujourd'hui une réflexion sur les origines de l'inflation. D'où vient-elle ? Et que se passe-t-il aujourd'hui ?

L'inflation n'a pas une seule origine possible, mais plusieurs :

1. La surchauffe de la demande, d'après une théorie made by Keynes. Si la demande est supérieure à l'offre, les prix s'envolent. Une théorie qui peut être appliquée à une économie toute entière.

2. Le monétarisme : l'économie, pour fonctionner, a besoin d'une certaine quantité de liquidités. Si les autorités monétaires produisent plus de monnaie que n'en a besoin une économie, cet excès doit être "absorbé" par une hausse générale des prix.

3. L'inflation "importée" : nos économies sont dépendantes, aussi bien des importations de matières premières (dont l'énergie) que de produits manufacturés, ce qui nous rend vulnérables à l'inflation importée des fournisseurs. Or les économies de ces pays n'ont pas les mêmes forces et les mêmes faiblesses que celles des pays développés. Et parmi les faiblesses se trouve une sensibilité extrême à l'inflation.

En 2010-2011, les politiques accommodantes des banques centrales associées à une hausse de la demande avait vu flamber le cours de nombreuses commodities et tout particulièrement des céréales, base de l'alimentation dans de nombreux pays émergents. Quand 40% ou plus de votre budget est consacré à l'alimentation, une hausse du prix du blé ou du riz est une catastrophe. L'inflation conduit à des revendications sociales et des hausses de salaires qui sont ensuite répercutées sur le prix des produits finis exportés.

C'est ainsi que l'inflation et la hausse du cours de matières comme le coton a rejailli sur les marges et les prix de vêtements en Europe et aux Etats-Unis. "Le prix du coton s'emballe, les vêtements vont coûter plus cher", titrait en février 2011 Le Parisien estimant que les prix pour le consommateur français augmenteraient d'environ 15%.

L'inflation peut être importée via l'énergie (pétrole, gaz...), les matières premières ou encore les produits finis.

4. L'inflation "assouplissante". Le processus est aujourd'hui bien connu car il fonctionne à plein : face à l'augmentation des déficits publics et de l'endettement, les banques centrales impriment de la monnaie pour racheter la dette de leur propre Etat. Depuis fin 2007, elles ont ainsi acheté un tiers des nouvelles obligations souveraines.

A quelle sauce inflationniste allons-nous être mangés ?
Parmi ces quatre sources d'inflation, toutes sont bien présentes aujourd'hui. La première essentiellement dans les pays émergents.

Les deux dernières sont quant à elles vraiment problématiques pour l'économie mondiale. Et en outre elles sont liées (l'argent facile ayant alimenté la spéculation sur les matières premières). La plupart des pays émergents se débattent avec une inflation à deux chiffres. Cette inflation est entretenue par les flux de capitaux venus de l'étranger et à la recherche de rendements ainsi que par la surchauffe du crédit.

Quant à l'inflation "assouplissante", son existence est toujours très discutée. Les banques centrales se sont engagées à "stériliser" une partie de l'impression monétaire sans que personne ne sache encore vraiment comment elles y parviendront.

Pour le moment, aucune des économies développées ne présente des signes majeurs d'inflation. Pourquoi ?

Premièrement, parce que l'argent imprimé par les banques centrales a circulé en circuit fermé sans que les prêts aux entreprises et aux particuliers augmentent. Et deuxièmement, parce que la déflation est à l'oeuvre aussi bien en Europe qu'aux Etats-Unis, avec une croissance en berne et un important taux de chômage qui exercent une pression baissière aussi bien sur les prix que sur les salaires.

La menace inflationniste n'est cependant pas ignorée des banquiers centraux. Les opposants à la poursuite des mesures accommodantes au sein de la Fed usent d'ailleurs de cette carte pour tenter de faire fléchir Ben Bernanke.

Hier, dans sa Stratégie quotidienne, Simone Wapler reprenait un commentaire d'Olivier Guinguené de Pictet Asset Management : "Les politiques monétaires non conventionnelles, qui se sont généralisées ces dernières années, ont un effet retardé (...). L'inflation concerne ainsi d'abord les actifs financiers avant de se répercuter sur les biens réels. Lorsque les liquidités accumulées se transformeront en inflation, il sera trop tard pour l'endiguer. (...) Le problème, c'est le rythme de sortie de ces politiques accommodantes. Le premier Etat qui arrêtera mettra les autres en danger."

A quoi nous attendre ?
Nous sommes dans une phase de déni de l'inflation : les matières premières, les devises des pays producteurs de
commodities et l'or en pâtissent. Reste à savoir quand nous passerons dans une phase de prise en compte des dangers inflationnistes, où l'or et les matières premières reprendront. Pas forcément tout de suite d'autant plus que les forces déflationnistes ont repris de la vigueur alors que la Chine voit sa croissance ralentir et que l'Europe ne trouve aucune solution à la crise de l'euro.

A terme, les quatre principales sources d'inflation vont se combiner. A la différence des précédents épisodes inflationnistes, le phénomène a pris aujourd'hui un caractère mondial lié à l'interdépendance des économies.

Les économies émergentes subissent l'inflation de pays en croissance et en surchauffe, les pays développés engendrent une inflation "assouplissante" qui nourrit l'inflation des pays émergents qui, vous l'aurez compris, exportent leur propre inflation.

En écartant l'aspect mondial de l'inflation, les banques centrales prennent des risques inconsidérés et surtout surestiment leur capacité à la contrôler.

Pour aller plus loin aujourd'hui : le gaz de schiste de nouveau sur la table des discussions en France
- Arnaud Montebourg a rallumé la guerre du schiste la semaine dernière en évoquant la possibilité de création d'une compagnie publique et nationale destinée à l'exploitation du gaz de schiste français. Et a immédiatement déclenché une levée de bouclier de la part des autres membres du gouvernement et des écologistes. En cause : la fracturation hydraulique, et ses conséquences sur l'environnement.

Le débat prend d'ailleurs de l'ampleur alors que Bruxelles aimerait légisférer sur la question. Allons-nous voir l'exploitation des gaz de schiste autorisée ou interdite en Europe. Dans l'Edito Matières Premières, Florent Detroy fait le point sur les dernières discussions en cours...


* Cécile Chevré est journaliste économique à la Quotidienne d'Agora

 

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