Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vivons nos temps
Vivons nos temps
Publicité
Derniers commentaires
Vivons nos temps
Archives
Visiteurs
Depuis la création 301 150
7 janvier 2013

Comment être acteur de sa mort ? par Alexandre Lacroix

rothIl faut lire Le Rabaissement de Philip Roth comme L’éternel mari de Dostoïevski ou La Sonate à Kreutzer de Tolstoï : c’est un roman court ou une nouvelle allongée, comme on veut, où l’on sent la patte d’un auteur rôdé aux énormes machineries. Dans ce format inhabituel, la puissance d’écriture n’est pas brimée, qui atteint au contraire une concentration maximale. Le thème ? Celui que Roth explore depuis quelques années et qu’il défriche en pionnier, car c’est un terrain encore vierge en littérature. L’allongement de la durée de la vie au cours du XXème siècle a fait apparaître un nouvel âge – qui s’étend de la soixantaine jusqu’à la vieillesse – où l’on est encore capable de désirer, de songer à des projets professionnels ou même à faire des enfants (dans le cas masculin), alors même qu’on a déjà une lucidité étale et que l’ombre de la mort s’étend. Dans Un homme, (Gallimard 1977), Philip Roth avait proposé un jeu formel, presqu’à la Pérec, racontant la vie de son héros à travers ses maladies et ses hospitalisations, jusqu’à la chute. Dans Exit le fantôme (2009), il nous avait fait rire avec les tourments urologiques de Nathan Zuckermann, resté immature au plan sentimental. Enfin, avec cet opus édité en 2010 – à l’âge de 77 ans – Roth trouve une tonalité sobre pour évoquer le dérapage vers le néant, qui fait de son livre, un drame. La visite chez le docteur Wan reste un ingrédient incontournable : « Les cellules testiculaires qui donnent naissance au sperme se divisent tous les seize jours. Cela veut dire que, lorsque l’on a atteint la cinquantaine, les cellules se sont divisées environs huit cent fois. Et, avec chacune de ces divisions, les chances d’erreurs dans l’ADN du sperme qui augmentent ». Mais dans ce roman, le savoir scientifique sur la vieillesse cède le pas à des considérations plus profondes sur le tarissement de l’inspiration et l’enlisement dans une sexualité crépusculaire, moins génitale que perverse polymorphe. Si Roth a choisi de se glisser dans la peau d’un acteur, c’est pour raconter la mort comme une scène tragique : certes, on la joue un peu, il entre de la théâtralité et de la duplicité jusque dans cette ultime épreuve, sans quoi nous ne serions pas des humains… à cela près qu’il n’y aura pas d’autre représentation.

Le Rabaissement, de Philip Roth, traduction de Marie-Claire Pasquier, Gallimard 2010, 121 p.13,90 €

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité