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Vivons nos temps
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18 octobre 2012

O langue, compagne de notre existence

langueIl y a quelques années, des producteurs de télévision à la recherche de frissons nouveaux prirent l’initiative d’interroger au hasard des passants dans la rue : accepteraient-ils, sous l’œil coquin de la caméra, de montrer une partie cachée de leur corps, l’une de celles qu’on n’a pas l’habitude d’offrir en pâture aux regards, du moins en de tels lieux ? Les réactions furent à la hauteur des questions : gentiment lamentables (aujourd'hui, je crois qu'il se serait passé la même chose). On entrevit ici ou là, dans des éclaboussements de rires de gamins, une cuisse, un sein, voire un peu plus… Mais Einstein étant absent, personne n’eût l’idée de tirer la langue ! Cela aurait été pourtant la bonne réponse : celle qui aurait satisfait la curiosité des petits malins tout en les remettant proprement à leur place.

Difficile en effet d’imaginer organe plus intime, plus mêlé à nous-même que celui-là : rose, tendre, charnu, souple, élastique à souhait, il savoure son repos au fond de notre palais tel un fauve tapi dans l’obscurité, mais prêt à se détendre, à surgir comme l’éclair à la moindre friandise passant à sa portée ou au moindre baiser à voler sur des lèvres… A moins… à moins qu’il ne cherche son plaisir dans les mots, dans ces verbes biens frappés qui ne demandent qu’à claquer, à siffler entre les dents pour peu que la langue, justement, s’y emploie. Alors ? Qu’en conclure ? Faut-il accuser la nature de manquer d’imagination pour n’avoir trouvé qu’un seul et même instrument pour pourvoir à trois actes aussi différents : manger, aimer, parler ? Ou faut-il y voir, au contraire, une preuve de la connivence secrète qui unit ces trois activités ? Après tout, ne dévore-t-on pas de baisers l’être aimé ? N’épelle-t-on pas avec gourmandise certains noms ? Et d’ailleurs, n’use-t-on pas du même terme pour évoquer cet appendice lui-même et le système de signes qui nous permet de communiquer les uns avec les autres : la langue ? Oui, la langue nue et crue, la langue écrite, parlée, goûtée. Comme si c’était tout un. Comme si dans tous ces cas quelque chose se nouait voluptueusement au fond de nous pour nous entraîner au-delà de nous-même…

LIre Le plaisir des mots, ouvrage dirigé par Gérald Cohen, collection Autrement, 1995

Pour illustrer ce thème, j'ai découvert le blog-petit-monde-d-Anna

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