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31 mai 2019

Le bel avenir des inégalités. Branko Milanovic "Inégalités mondiales. Le destin des classes moyennes, les ultra-riches"

inégalité Que vaut la promesse d’égalité démocratique lorsque la situation matérielle des classes moyennes et populaires stagne ou régresse ? À travers une analyse implacable des inégalités mondiales, Branko Milanovic met en évidence la difficulté du combat pour la justice sociale au début du XXIe siècle.

En janvier 2019, l’ONG Oxfam rendait public un chiffre édifiant, pour alerter les consciences. Les 26 personnes les plus riches de la planète posséderaient autant de patrimoine que la moitié la plus pauvre de l’humanité. 26 multimilliardaires d’un côté, face à 3,8 milliards de personnes dans le besoin de l’autre : comment a-t-on pu en arriver là ? C’est tout le mérite du livre de l’économiste Branko Milanovic, publié en anglais en 2016 et récemment traduit en français par les éditions La Découverte, que de chercher à expliquer cet engrenage et ses conséquences politiques.

Les deux visages de la mondialisation

Quoique plus nuancé que celui dépeint par Oxfam, le portrait du monde qui se dégage du livre est tout aussi alarmant. Mesurées à l’échelle globale, les inégalités ont plutôt tendance à diminuer, du fait de la croissance exceptionnelle de la Chine au cours des trente dernières années. Le nier serait oublier une des données fondamentales de l’histoire récente, marquée par le déclin économique relatif de l’Europe et des États-Unis au profit de l’Asie et des pays émergents. Compte tenu de son poids démographique, l’apparition d’une classe moyenne chinoise a pour effet mécanique de réduire l’inégalité mondiale. La mondialisation contemporaine a bien vu des centaines de millions de personnes sortir de la grande pauvreté. Et pourtant, parallèlement, les plus fortunés n’ont jamais concentré autant de richesses et de pouvoir. Au sein des pays développés, les inégalités de revenus et de patrimoines sont reparties à la hausse depuis le début des années 1980. Tendance à la réduction des inégalités entre pays, d’un côté, forte augmentation au sein de chacun d’entre eux, de l’autre : tel est le paradoxe de la mondialisation (déjà bien documenté par ailleurs) que s’efforce de sonder et d’analyser Milanovic.

La nouveauté de son propos, et sa clairvoyance politique, ont été rendues célèbres par la courbe dite de « l’éléphant », qui décrit la répartition des gains en revenus réels au sein de la population mondiale, au cours de ce que Milanovic appelle la « mondialisation intense » (1988-2008). Il s’appuie pour cela sur des centaines d’enquêtes nationales sur le revenu des ménages, compilées et harmonisées au sein de plusieurs bases de données (la Luxembourg Income Study, celles de la Banque mondiale, etc.), à la création desquelles il a lui-même participé. Ces données et cette méthodologie diffèrent de celles utilisées par la World Inequality Database (fondée par les chercheurs réunis autour de Thomas Piketty), qui s’appuie essentiellement sur des sources produites par les administrations fiscales. Bien que leurs enseignements convergent, ces deux types de données n’offrent pas la même représentation des inégalités : les secondes sont nécessairement découpées pays par pays, alors que l’approche de Milanovic consiste à construire un nouvel artefact statistique, celui d’une population mondiale étudiée comme un tout, où il est possible de comparer simultanément l’évolution du niveau de vie d’un milliardaire américain, d’un travailleur chinois ou d’un paysan africain sur une période de vingt ans. Cela permet d’essayer de déterminer qui sont les gagnants et les perdants (relatifs) de la mondialisation contemporaine, sans rester enfermé à l’intérieur des frontières de chaque État-nation.

Voir l'analyse de Nicolas Delalande, professeur au Centre d’histoire de Sciences Po.

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