La terre n’est à personne. Pierre Blanc "Terres, pouvoirs et conflits. Une agro-histoire du monde"
Avec la croissance démographique et le changement climatique, la question agraire apparaît comme un facteur de tensions sociales et internationales. Or la rareté des terres n’est pas un donné physique, mais résulte de l’accaparement du foncier par des multinationales ou des classes dominantes.
La terre agricole peut-elle être un enjeu politique majeur et la faim de terre, le ressort des tribulations politiques des sociétés ? Cela ne fait guère doute concernant le passé. Pour le lecteur de Tite-Live, l’accès à la terre, le piège de la dette dans lequel tombent les petits paysans, le partage fort inégal des terres conquises constituent des éléments clés des conflits sociaux (conflits internes) et de l’expansion territoriale romaine (conflits externes). Les meurtres de Tiberius et de Gaïus Gracchus inaugurent le cycle de violence qui précipitera la fin de la République romaine : leur cause est la lutte foncière entre patriciens et plébéiens. Mais qu’en est-il aujourd’hui ?
L’industrialisation et le développement du secteur tertiaire, l’urbanisation qui éloigne les populations des campagnes, la surabondance alimentaire permise par l’agriculture industrielle, le pétrole qui dispense l’agriculture de produire de l’énergie : tout cela a rendu sinon marginal, du moins imperceptible, l’enjeu foncier pour les populations des pays industrialisés. Seul, de temps à autre, un achat de terre surprenant (comme ce fut le cas pour l’investissement d’une société chinoise dans 1 700 hectares dans le Berry) éveille l’opinion, jusqu’à susciter la promulgation d’une loi relative à « la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du bio-contrôle ».
Voir l'analyse de Matthieu Calame, ingénieur agronome (ENSA Toulouse), chargé de programme à la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de
l’Homme