Question de temps

En ces temps d’accélération du temps, d’aliénation chère à Harmut Rosa, comment s’en délivrer ? Peut-être que la troisième révolution industrielle que nous vivons, celle de la numérisation du monde, ne correspond pas à l’Homme ?

Les questions à se poser ne seraient-elles pas celles-ci : « De quel temps voulons-nous ? » « Privilégions-nous la course ou l’approfondissement ? »

Je crois que c’est plutôt cette réflexion qu’il nous faut mettre en exergue, celle qui est pour moi la plus importante, celle d’être présent aux autres. Totalement. Car c’est par le temps que nous guérirons du temps.

Posons-nous la question suivante : « A qui sommes-nous présents ? » Voilà la question essentielle !

J’entends régulièrement qu’il nous faut lâcher prise. Lâcher prise ? Lâcher quoi ? Respirer, c’est tout ! Et cela s’apprend. C’est une façon d’être. Pratiquer seulement. Surtout ne pas y croire à ce lâcher prise, mais de pratiquer le « savoir-respirer », car cela ajoute un espoir, une orientation de la volonté vers un résultat à obtenir.

Ce qu’il faut lâcher c’est l’idée même de prise, de tension vers un objectif.

En Chine, on ne se pose pas de questions sur l’avenir, on agit seulement. Il est amusant de voir à quel point nous nous jetons sur les produits allégés en espérant nous sentir mieux dans notre corps.

Zhuangzi recommande, quant à lui, le présent allégé, bien plus efficace pour s’affiner et gagner en vigueur. Le présent allégé du poids du passé et des inquiétudes liés à l’avenir, c’est le temps du rêve, sans même que nous en ayons conscience.

Un des meilleurs moyens de s’alléger, c’est de se « plonger » dans l’art, car défendre l’art, c’est être attentif à l’étincelle de l’autre. Et, en effet, les œuvres d’art sont là pour nous émerveiller, nous faire rire, nous faire vivre.

Ce que je me dois de rappeler, c’est que nous n’avons qu’une vie, une évidence bien sûr. Nous ne pouvons sortir de notre vie et y rentrer. D’une traite on va de l’essor de la jeunesse à son épuisement. On ne peut remettre sa vie en jeu sur un coup de dé comme disait Antiphon. C’est pourquoi on doit s’investir tout entier dans l’instant présent, cet instant ne pouvant revenir, et se garder de le reporter.

Donc, lâcher prise veut dire respirer pour s’octroyer le droit de vivre pleinement, et, à chaque inspiration, la sensation de débuter une « nouvelle vie ».

De cette façon, notre vie se repense, dégage de nouveaux possibles et se réoriente. La pratique de la méditation permet de la délester de ce qui l’encombre en lui insufflant un nouveau départ.

Et enfin, souvenez-vous : vivre c’est vouloir ceux qui sont là, pas les absents !

Illustration : Pourquoi le temps ne passe pas ? rfi.fr