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6 février 2019

La parole donnée. Richard Moran "The Exchange of Words : Speech, Testimony and Intersubjectivity"

moranLorsqu’une personne nous dit quelque chose, est-ce que nous croyons ce qu’elle nous dit ou est-ce que nous la croyons, elle ? R. Moran pose la question et nous permet de nous interroger sur ce que signifie ne pas être cru.

Dans le film Blow-Up (1966) de Michelangelo Antonioni, Thomas, photographe de mode londonien, s’aperçoit, en recadrant et en agrandissant une image prise le jour même, qu’il a photographié involontairement un meurtre. Présentée à un tribunal, cette photographie agrandie pourrait tout à fait constituer une preuve autonome du fait qu’un homme a été tué dans ce parc. En revanche, la situation serait entièrement différente si Thomas avait fait un dessin de ce qu’il voyait dans le parc : non seulement il serait absurde de sa part d’envisager d’agrandir le dessin pour y voir autre chose que ce qu’il y a mis, mais il faudrait surtout que le tribunal le croie, lui Thomas, sans quoi le dessin ne serait pas une preuve. À la différence de la photographie, le dessin est donc intrinsèquement dépendant des intentions et des croyances du dessinateur au moment où il dessine. Or cette dépendance s’applique tout aussi bien à la parole d’autrui en général, puisque, lorsque les autres nous parlent et que nous considérons ce qu’ils nous disent comme leur parole, ils doivent le faire intentionnellement.

Dans ces conditions, comment la parole d’autrui, qui n’est pas une source autonome d’information sur quoi que ce soit, peut-elle être pour celui ou celle à qui elle est adressée une raison de croire quelque chose, voire une source fiable de connaissance ? Telle est l’énigme qu’affronte le philosophe américain Richard Moran dans son nouveau livre, The Exchange of Words [1], et qu’il formule ainsi, dès la préface :

"Qu’est-ce qui est propre à la manière dont une locutrice fournit à l’auditeur une raison de croire quelque chose quand elle lui dit quelque chose ? Et quelle est la nature de l’acte intersubjectif où une locutrice asserte quelque chose comme vrai à son auditeur, et que cette personne la croit ? (What is distinctive about the way that a speaker provides a reason to believe something for the hearer when she tells him something ? And what is the nature of the intersubjective act when a speaker asserts something as true to her audience, and the person believes her ?, p. X".

L’enjeu est de taille et est davantage pragmatique – au sens où il va s’agir de la description d’une pratique – qu’épistémique. En effet, cette question, qui constitue le fil directeur de l’enquête de R. Moran, précède toute interrogation sur les critères de vérité d’un témoignage : ce qui compte, d’abord, ce sont les conditions pour que l’on puisse considérer que ce que l’on nous dit constitue une raison de croire quelque chose à propos du monde ou du locuteur lui-même. En d’autres termes, il s’agit de savoir au préalable quelles sont les conditions pour que le dire d’autrui fasse l’objet d’un questionnement épistémique.

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