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6 août 2013

Captation, financement à bon compte et prise en otage, par Isabelle Mouilleseaux

vign_isabelle_mouilleseauxNB1Aujourd'hui, je vous propose quelque chose de léger... Une petite devinette par exemple.

A votre avis, quel est le point commun entre toutes ces récentes décisions :

- Au Portugal, les fonds de pension portugais vont dorénavant pouvoir investir jusqu'à 90% de leur capital dans les obligations d'Etat domestiques. Fini le sain principe de diversification qui n'autorisait pas ces fonds à placer plus de 55% de leurs avoirs dans la dette souveraine...

Quatre milliards d'euros vont ainsi venir se jeter corps et âme dans la dette souveraine, ce qui couvrira 25% des besoins de financement du pays en 2014.

- En Italie, on s'applique depuis peu à créer des obligations souveraines spécifiquement destinées aux petits investisseurs ; obligations qui plus est vendues via internet sans commission. Compétitivité assurée !

- Quant au gouvernement espagnol, il a décidé de pousser toutes les manettes au maximum. La caisse de retraite espagnole, qui pouvait déjà investir jusqu'à 90% de son capital dans l'obligataire souverain, va pouvoir pousser le bouchon jusqu'à... 97% !

Mieux, même, le gouvernement va jusqu'à piocher directement dans la caisse de la Sécurité sociale pour payer les retraites. C'est tellement plus rapide...

4,5 milliards d'euros ponctionnés en juillet qui s'ajoutent aux sept milliards déjà puisés l'hiver dernier... Voilà qui fait tout de même 11,5 milliards d'euros en quelques mois pour un fonds qui en pèse 59. Un cinquième du fonds vient d'être liquidé pour faire face à des dépenses courantes... Où diable allons-nous à ce rythme ? doivent s'inquiéter les retraités espagnols.

Alors ? Vous avez trouvez le point commun entre toutes ces décisions ? C'est la captation par l'Etat de capitaux privés pour financer la dette souveraine à bon compte et ainsi éviter le défaut.

Car voyez-vous, faire défaut sur sa dette fait des vagues -- et beaucoup de perdants. Le genre de vagues dont les politiques se passent volontiers. D'après les études académiques menées sur les défauts souverains, les détenteurs d'obligations perdent en moyenne 50% de leur capital dans ce type de scénario. C'est ce qui s'appelle se faire détrousser...

Vous comprendrez donc aisément que les politiques confrontés au risque de défaut souverain cherchent "d'autres solutions". Comprenez un moyen plus discret d'arriver au même objectif : faire face au boulet de la dette qui leur colle aux basques et les étouffe...

Les Etats, aussi rusés qu'habiles, ont trouvé un moyen bien plus discret et subtil Détourner les fonds privés qui vont habituellement s'investir dans le secteur privé (les entreprises créatrices de richesses) ou à l'international, pour se financer à bon compte. L'idée est simple. Il s'agit de manipuler les flux d'épargne et de capitaux pour les pousser à financer la dette nationale. Fermez les yeux... imaginez un entonnoir... ça y est, vous y êtes !

Voilà qui procure un double avantage aux Etats nécessiteux et dans le besoin :

- Les émissions obligataires trouvent preneurs. - Le taux d'intérêt évite de grimper (voire baisse) grâce à une demande suffisante. Cela réduit le coût de la dette et donc le déficit budgétaire par ricochet

Les liens incestueux entre banques et Etats vont dans ce sens En mai et juin dernier, les banques italiennes et espagnoles se sont littéralement gavées d'obligataires souverains, achetant 85% de l'obligataire domestique émis.

Les banques espagnoles sont assises sur un encombrant matelas de 318 milliards d'euros d'obligations souveraines (+10% sur le trimestre) et les italiennes de 428 milliards d'euros (+10% sur le trimestre). Espérons que ce ne soit pas un matelas à air...

Objectif de la manoeuvre ? Contrer la hausse des rendements obligataires souverains induite par les bavardages intempestifs de Bernanke quant à l'arrêt éventuellement peut-être probable sait-on jamais, du QE3. Quand Bernanke déclame, les périphériques tressaillent... Ce jour-là, ils ont vraiment dû le maudire, lui, son dollar et son QE ...

Bref, l'épargne déposée par les Italiens et Espagnols dans les banques finance la survie et le fonctionnement de l'Etat, qu'ils le veuillent ou non. Avec au passage un gros effet d'éviction : les banques diminuent le financement du secteur privé. Pauvres entreprises créatrices de richesses, les voilà reléguées au statut de dégât collatéral...

Pour briller en société... ... sachez que dans le jargon économico-financier, cette méthode porte un nom : la répression financière.

Vous comprenez maintenant l'implacable perspicacité de Joseph Di Censo (ex-FMI devenu gérant de portefeuille chez BlackRock) qui déclarait récemment : "pourquoi voudriez-vous restructurer la dette alors que la répression financière est si élégante ?"

Elégante... mais surtout terriblement efficace. Pour l'Etat en tout cas.

On peut aller plus loin encore dans la voie royale et subtile de la répression financière -- à condition d'avoir un zeste d'inflation à disposition (même déguisée, comme c'est le cas actuellement). Voici comment cela marche.

Lorsque le taux d'intérêt est maintenu artificiellement bas par des politiques monétaires ultra-laxistes, les taux d'intérêt réels (rendement moins taux d'inflation) peuvent devenir négatifs.

Le rendement devenant négatif, votre obligation souveraine, au lieu de vous rapporter, vous coûte de l'argent. Vous vous retrouvez dans la très inconfortable situation de devoir "payer" pour financer la dette de l'Etat.

Une véritable bénédiction pour les Etats dont le fardeau s'allège à mesure que vous vous faites dépouiller... Et vous comprenez soudain l'intérêt de minorer le taux d'inflation officiel

Pour l'investisseur captif qui finance patriotiquement le déficit de son pays, c'est un impôt aussi douloureux que celui sur le revenu. Toutefois, son caractère moins sonnant et trébuchant et d'une délicieuse discrétion fait qu'il passe... mieux.

Un constat fâcheux A ce stade, vous êtes sans doute en train de faire un constat aussi fâcheux que cruel : si jamais l'Italie, l'Espagne ou le Portugal devaient malgré tout restructurer leurs dettes, ce serait alors leurs banques, citoyens et retraités qui supporteraient les pertes.

Dit autrement : citoyens, retraités et banquiers portent le risque souverain sur leurs frêles épaules ...

- Le citoyen (et surtout son argent) est devenu captif malgré lui d'un système qui part à la dérive. - Le retraité est pris en otage -- on pioche dans le fonds qui doit assurer sa retraite pour faire face aux dépenses courantes. - Le cordon ombilical bancaire qui relie les banques aux Etats en quasi faillite est devenu une véritable dynamite en puissance...

En attendant, ne vous tracassez pas inutilement. Allez donc plutôt voir ce qui traîne dans votre assurance-vie pour commencer. Evitez aussi de déposer vos économies dans des banques dont le profil ressemblerait un peu trop à celui de Dexia.

Non, je m'abstiendrai de citer des noms.... Comme disent les Américains : Do your homework, faites vos devoirs !

 

 

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