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Vivons nos temps
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5 janvier 2013

Se connaître soi-même, une fable ?

philoGravé il y a plus de 2500 ans au fronton du temple de Delphes, le précepte « Connais-toi toi-même » s’est imposé comme l’aiguillon de la pensée occidentale. Mais à s’obséder de soi, on en vient à manquer son prochain, l’inconnu, la liberté. Pour ne pas rester bloqués dans l’impasse du narcissisme, certains philosophes invitent à jeter les miroirs, fuir les divans des psychanalystes et retrouver le goût de l’action. D’autres en appellent à une idée plus vaste et plus ouverte du moi – l’enjeu est alors de s’explorer comme une terra incognita ou de s’éprouver dans le rapport à l’autre. Et s’il fallait s’excentrer pour mieux se trouver ?

L’introspection, mission impossible ? Mais si, au regard de son inflation actuelle, cette tâche se révélait inutile, voire nuisible ?

Pour ma part, pour répondre à cette demande séculaire, je me réfugierai dans la pensée nietzschéenne. En effet, aux yeux de Friedrich Nietzsche, le « connais-toi toi-même », dans la bouche d’un dieu, adressée aux hommes, est presque une méchanceté ». Critiquant à la fois les « habitués de l’introspection pour qui il existe « des certitudes immédiates » tel Descartes, et les moralistes persuadés que la conduite vertueuse doit passer par l’inspection larmoyante de soi, le penseur allemand ne ménage pas ses coups de marteau à la plus célèbre des maximes occidentales. Ma conscience serait infaillible et me dicterait toujours ce qui est juste. Mais qui garantit la justesse du jugement éthique, si ce n’est le désir de se persuader ? Deuxième illusion : la guérison par l’introspection. Selon Nietzsche, celle-ci est au contraire le signe d’un dangereux repli sur soi. S’attacher à passer ses défauts en revue et verser dans la flagellation enfonce l’individu dans la haine de soi. Cette attitude révèle plutôt la volonté de souffrir que le désir de se libérer. Faut-il pour autant renoncer à mettre en pratique une psychologie des profondeurs, une « morphologie et génétique de la volonté de puissance » ? Certainement pas. « Un nouveau retour sur nous-mêmes », comme il le réclame dans Par-delà le bien et le mal est indispensable à la compréhension du phénomène humain. Mais il doit être mené, ajoute-t-il, dans une perspective « extra-morale », débarrassée des simplifications et des souffrances qu’il a longtemps impliquées. Nietzsche affirme ainsi dans Aurore que « ce n’est qu’au terme de la connaissance de toute chose que l’homme se connaîtra. Car les choses ne sont que les frontières de l’homme ». Danser sur les crêtes de la description du monde permet de ne pas s’égarer dans sa caverne mentale, mais de reprendre, à nouveaux frais, le projet de connaissance de soi.

Source : Philosophie magazine n° 55

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