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Vivons nos temps
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23 février 2011

La violence structurelle

Cela est vrai, les drames tunisien, égyptien, libyen et d’autres nations arabes m’obligent à rééditer un édito, car cette violence se doit d’être explicitée. Car, cette dernière ne découle que d’un fait : l’économie de marché et son engeance : un capitalisme violent et sans scrupules, totalement décomplexé.

L’économie de marché est gouvernée par la rareté organisée, de ce fait la guerre n’est plus épisodique, elle devient permanente. Elle ne constitue plus une pathologie mais une normalité. Elle n’équivaut plus à une éclipse de la raison. Elle est la raison même de l’économie de marché.

On appelle violence structurelle cette cosmogonie et cette pratique nouvelle.

Longtemps, dans l’histoire des hommes, la violence a été regardée comme une pathologie, un brusque et récurrent effondrement des normes organisationnelles et morales qui fondent la société civilisée. Max Horkheimer a analysé cette pathologie. Il la nomme « éclipse de la raison » (Die Verfinsterung der Vernunft, 1947, Francfort), titre de l’un de ses plus célèbres essais.

Aujourd’hui, l’exercice de la violence extrême s’est faite culture. Elle règne en maître et en permanence. Elle est le mode d’expression ordinaire – idéologique, militaire, économique, politique – des féodalités capitalistes. Elle habite l’ordre du monde.

Loin de témoigner d’une éclipse passagère de la raison, elle produit sa propre cosmogonie et sa propre théorie de légitimité. Elle induit une forme originale de surmoi collectif planétaire. Elle est au cœur de la société internationale. Elle est structurelle.

Par rapport aux valeurs fondatrices des Lumières, elle témoigne d’une régression évidente, et apparemment sans retour.

Jean-Paul Sartre a magnifiquement dit les mécanismes cachés de la violence structurelle se déployant dans le monde de la rareté organisée :

 « Dans la réciprocité modifiée par la rareté, l’autre nous apparaît comme le contre-homme en tant que ce même homme apparaît comme radicalement Autre. C’est à dire porteur pour nous d’une menace de mort. Ou si l’on veut : nous comprenons en gros ses fins – ce sont les nôtres ; ses moyens – nous avons les mêmes ; les structures dialectiques de ses actes ; mais nous les comprenons comme si c’étaient les caractères d’une autre espèce, notre double démoniaque ».

La rupture de la réciprocité produit des catastrophes.

Sartre encore : « En réalité, la violence n’est pas nécessairement un acte. Elle est absente en tant qu’acte de nombreux processus. Elle n’est pas non plus un trait de Nature ou une virtualité cachée. Elle est de l’inhumanité constante des conduites humaines en tant que rareté intériorisée, bref, ce qui fait que chacun voit en chacun l’Autre et le principe du Mal. Aussi n’est-il pas nécessaire – pour que l’économie de la rareté soit violence – qu’il y ait des massacres et des emprisonnements, un usage visible de la force. Pas même le projet actuel d’en user. Il suffit que les relations de productions soient établies et poursuivies dans un climat de crainte, de méfiance mutuelle, par des individus toujours prêts à croire que l’Autre est un contre-homme et qu’il appartient à l’espèce étrangère ; en d’autres termes que l’Autre, quel qu’il soit, puisse toujours se manifester aux Autres comme « celui qui a commencé ». Cela signifie que la rareté comme négation en l’homme de l’homme par la matière est un principe d’intelligibilité dialectique » (Critique de la raison dialectique, Paris, Gallimard, 1960).

Selon Erasme, la paix a un prix, c’est à dire que si nous y mettions le prix, la guerre disparaîtrait de la Terre (Erasmus von Rotterdam, Ausgewählte Werke, 1517, Munich, Holborn, 1934).

Cette guerre n’a pas d’ennemis clairement identifiés. Elle n’a pas non plus de fin prévisible ; c’est une guerre de mille ans.

Peu avant son assassinat, le 30 janvier 1948, par Naturam Godse, le Mahatma Gandhi s’adressa une dernière fois à la foule immense. Des massacres entres hindous et musulmans venaient de coûter la vie à plus de 5000 personnes à Calcutta. La foule criait vengeance.

Gandhi leur dit : « Vous voulez vous venger ? Œil pour oeil ? Procédez ainsi, et bientôt l’humanité toute entière sera aveugle ».

Puissions-nous nous en souvenir !

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